Pour clôturer ce week-end festif, qui marque le début de la saison de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, Alexis Kossenko réunit son ensemble Les Ambassadeurs et La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, héritage de Jean-Claude Malgoire.
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Un petit rappel : Pionnier du mouvement baroque et de ce qu’on appelle communément « interprétation historiquement informée », La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, fondée par Jean-Claude Malgoire en 1966, était laissée orphelin depuis la mort de celui-ci survenu en 2018. L’ensemble a désormais un nouveau directeur musical en la personne d’Alexis Kossenko. Ce soir, les deux ensembles se retrouvent pour la première fois devant un public, sous une nouvelle identité : Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie. En effet, la réunion des deux entités était jusque-là empêchée par la pandémie. En introduction, le chef et flûtiste niçois livre sa joie de rejouer de nouveau, après avoir évoqué ses expériences personnelles avec La Grande Ecurie : c’était en son sein qu’il a trouvé son premier engagement professionnel en tant que musicien d’ensemble baroque.
Le grand orchestre « symphonique », spécifique à Dresdes au XVIIIe siècle
Le programme « Per l’orchestra di Dresda » est sur la lancée du disque portant le même titre, sorti à la fin du mois d’août dernier (volume I ; chez Aparte). Il présente un répertoire encore peu joué : le grand orchestre « symphonique », spécifique à Dresdes au XVIIIe siècle, entre 1709 et 1760. « Per l’orchestra di Dresda », inscrivit Vivaldi en-tête de son concerto con molti stromenti RV 577. Il s’agit d’un orchestre à « goûts réunis », le style italien intégré à l’esthétique à la française dominante au début de cette période.
Alexis Kossenko souligne dans le livret du disque l’importance de la francophilie en Allemagne dans les années 1690-1710 ainsi que « les nouveaux instruments à vent modifiés par les facteurs français (hautbois, bassons, flûtes à bec et traversières) qui changeront radicalement l’esthétique sonore dans toute l’Europe ». À cette spécificité s’ajoute une autre, « la coutume de réorchestrer des partitions en ajoutant hautbois, bassons, flûtes et cors pour enrichir la texture orchestrale ».
La présence importante des instruments à vent
Voilà pourquoi, dans les œuvres de Zelenka, Vivaldi, Telemann, Fash, Heinichen qui figurent dans notre soirée, la présence des instruments à vent est si importante, pour ne pas dire imposante. Sur scène, six hautboïste, quatre bassonites, deux cornistes de chasse, quatre flûtistes… jouent, selon les pièces, soit au fond de l’orchestre soit sur le devant de la scène en tant que solistes. La sonorité de l’orchestre devient effectivement très riche et étonnamment variée. On peut imaginer une sorte de Berlioz baroque (ou plutôt, Berlioz n’a rien inventé en matière de l’instrumentation) tant la diversité de timbres et l’inventivité de l’orchestration sont denses, et que les partitions sont brillamment interprétées. L’Ouverture en si bémol majeur de Johann Friedich Fash (FaWV K : B1 pour préciser l’œuvre) qui fait appel à deux orchestres, chacun avec trois hautbois, deux bassons, un clavecin et orchestre), en est probablement l’exemple le plus révélateur. Les échos entre les deux orchestres rappelle le double orchestre et le double chœur vénitiens — dont certains au plume de Vivaldi — qui impressionnaient par sa splendeur. Dans le Concerto en fa majeur TWV 51 : F4 de Georg Philipp Telemann, deux cors, deux flûtes, deux hautbois et le violon solo interviennent en alternance pour le grand plaisir des oreilles, un peu comme des ballets de caractères qui se succèdent pour le plaisir des yeux.
Alexis Kossenko, chef énergique et médiateur efficace
Alexis Kossenko au Théâtre municipal Raymond Devos, Tourcoing, 25 septembre 2021 © Samuel Dhote
En médiateur efficace, Alexis Kossenko présente le cors de chasse, en montrant l’instrument sans clé et en expliquant son fonctionnement, ce qui permet par conséquent de comprendre la nature
Si la direction de Kossenko est d’habitude très dynamique, ce jour-là, ce dynamisme prenait une autre dimension. Il dansait presque, pour s’exprimer la joie d’abord de pouvoir rejouer dans une salle remplie, mais aussi de s’épanouir dans un répertoire qu’il chérit, les instruments à vent mis en avant. Ainsi, on en trouve en lui un excellent ambassadeur d’un pan encore méconnu de l’histoire de la musique !
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Programme « Per l’orchestra di Dresda »
ZELENKA Jan Dismas (1679-1745) : Ouverture en fa majeur ZWV 188 pour deux hautbois, basson et orchestre
VIVALDI Antonio (1678-1741) : Concerto en sol mineur RV 576 « Per la sua altezza reale di Sassonia » pour violon principal, haubois solo, deux flûtes à bec, deux hautbois et orchestre
TELEMANN Georg Philipp (1681-1767) : Concerto en fa majeur TWV 51 : F4 pour violon, deux cors, deux flûtes, deux hautbois et orchestre
FASH Johann Friedrich (1688-1758) : Ouverture en si bémol majeur FaWV K : B1 pour deux orchestres
VIVALDI Antonio : Concerto en ré majeur RV 564a pour deux violons, deux haubois et orchestre
ZELENKA Jan Dismas : Sinfonia de l’Oratorio I Peitenti al Sepolchro del redentore ZWV 63
HEINICHEN Johann David (1683-1729) : Concerto grosso en fa majeur S.234 pour flûte, deux cors, trois hautbois, violon solo et cordes
Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie
Alexis Kossenko, Direction musicale
Violons soli : Stefano Rossi et Diana Lee
Clavecin et orgue : Emmanuel Arakelian
Clavecin : Philippe Grisvard
Théorbe : Etienne Galletier
Hautbois : Gabirel Pidoux, Vincent Blanchard, Nathalie Petibon, Vincent Robin, Jean-Maurice Messelyn, Seung Kyung Lee
Basson : Monika Fischaleck, David Doucot, Stéphane Tamby, Jérémie Papasergio
Cor de chasse : Jean-françois Madeuf, Lionel Renoux
Flûte : Amélie Michel, Olivier Benichou, Alexis Kossenko
25 septembre 2021 à 20h30, Théâtre municipal Raymond Devos, Tourcoing
