Accueil ScènesConcerts Pianoscope #2 Un récital narratif et pictural de Jean-Baptiste Fonlupt

Pianoscope #2 Un récital narratif et pictural de Jean-Baptiste Fonlupt

par Victoria Okada

Le dernier jour du Festival Pianoscope, le 10 octobre dans l’après-midi à la Maladrerie Saint-Lazare de Beauvais, c’est sous le signe de l’amitié que Jean-Baptiste Fonlupt donne son récital.
(Lire notre chronique sur son récital à La Roque d’Anthéron

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Avant de s’installer devant le piano, Jean-Baptiste Fonlupt raconte une anecdote personnelle qui montre la personnalité attachante de Nicolas Angelich, directeur artistique de cette 15e édition mais absent car souffrant. Pour illustrer cette anecdote, il remplace Le Fils prodigue de Prokofiev initialement prévu par le deuxième Ballade de Liszt. En effet, c’est l’œuvre que Angelich l’a entendu jouer le jour où il a décidé, en rencontrant notre pianiste dans la rue, de venir à l’improviste jusqu’en Bourgogne où a eu lieu son récital !

 

Les mélodies en toute simplicité

Fonlupt a toutes les notes de la Sonate en la mineur D537 de Schubert dans les mains, sur ses doigts. Il ne tombe jamais dans la lourdeur en interprétant ce temps dilaté qui reflète l’univers intérieur du compositeur. Les mélodies chantantes résonnent en toute simplicité, comme des fredonnements d’un enfant, mais avec une profondeur de quelqu’un qui a intensément vécu. Cette simplicité donne presque une envie de fredonner nous-mêmes avec lui…
Il joue ensuite trois Lieder de Schubert transcrits par Liszt. Voilà de nouveau un beau chant ; ici aussi, la beauté conjugue avec la simplicité. La continuité mélodique pour Le meunier et le ruisseau, la grâce pour Foi de printemps, et la magnifique synthèse des deux compositeurs dans A chanter sur l’eau. Ainsi, le lyrisme l’emporte déjà avant de plonger dans un autre lyrisme, cette fois-ci lisztien, avec la deuxième Ballade.

 

Jean-Baptiste Fonlupt à la Maladrerie Saint-Lazare à Beauvais, 10 octobre 2021 © Victoria Okada

 

Un poème épique

Dans ce poème symphonique pour piano, deux caractères, l’un ténébreux et sombre, l’autre lumineux et céleste, luttent à tour de force. Fonlupt ne se perd jamais dans la virtuosité gratuite, au contraire, il narre cette lutte tel un poème épique. Vivantes sont les notes avec lesquelles il tapisse cette fresque, comme des milliers de personnages dantesques qui y jonchent. À la fin, lorsque la lumière triomphe, nous sommes face à un tableau héroïque mais spirituel, comme, par exemple, des Delacroix de l’église Saint-Sulpice, à Paris.

 

La Valse de Ravel cinématographique

Pour terminer son récital, le pianiste invite l’auditoire dans les tourbillons de La Valse ravélienne. Cette introduction étrange qui ressemble à un grouillement souterrain, Fonlupt la mène merveilleusement jusqu’à la première cadence, la sortie dans un monde plus lumineux. Si la partition est romanesque, l’interprétation de cet après-midi est cinématographique. Elle évoque des scènes avec lesquelles chacun(e) peut imaginer son propre film. Des zooms sur des visages par ci, des plans larges ou serrés par là, des évocations d’arrière-plans avec des bruits qui accompagnent, sans oublier une petite histoire d’amour à peine commencée au cours d’un bal… Cette force évocatrice est doublée par le sens de construction. À la fin de la pièce, le grondement souterrain reprend, mais ce rappel est trop souvent traité comme une prémisse de virtuosité avant l’explosion finale. Mais chez Fonlupt, c’est l’inquiétude du début qui se fait entendre, une sorte de pressentiment grandissant qui se dévoile à une grande vitesse, avec la même ambiguïté précise que dans l’introduction. La musique devient une sorte de film psychologique. Le chaos final qui s’ensuit est donc une réalisation de cette intuition. Alors, au lieu de faire sonner le piano comme des explosions d’obus, il termine avec quelque chose de pudique, une pudeur face à cette fatalité qu’évoque Ravel : « […] l’impression d’un tourbillon fantastique et fatal ».

Pour apaiser l’esprit, il choisit de donner en bis un Prélude de Chopin, qui sonne telle une berceuse.

 

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Programme

Franz Schubert: Sonate D.537
Franz Schubert / Franz Liszt : 3 Lieder de Schubert (Der Müller und der Bach, Frühlingsglaube, Auf dem Wasser zu singen)
Franz Liszt : Ballade n° 2
Maurice Ravel : La Valse

Jean-Baptiste Fonlupt, piano

10 octobre 2021 à 16h, Maladrerie Saint-Lazare, Beauvais, dans le cadre du festival Pianoscope

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