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Jean-Baptiste Fonlupt fait ses débuts magistraux à La Roque d’Anthéron

par Victoria Okada

C’est notre coup de cœur Au Festival international de piano La Roque d’Anthéron. Jean-Baptiste Fonlupt, dont les deux derniers disques ont subjugué les mélomanes les plus avertis, se produit pour la première fois au Festival international de piano. Son apparition à l’Auditorium du Parc de Florans s’était fait trop attendre, mais son interprétation de Chopin, Schumann, Schubert/Liszt et Liszt a séduit les auditeurs, y compris ceux pour qui son nom était étranger.

Cette année, le récital du matin commence à 9h45, pour éviter le soleil qui tape fort dès les premières heures de la journée. À notre question : « Ce n’est pas trop tôt pour jouer devant un public ? », il répond par un « non ». Et lui de poursuivre : « Il arrive qu’on soit devant le piano à 6h du matin pour travailler […] D’ailleurs, se préparer pour un récital qui commence parfois à 21h, ce n’est pas facile non plus ! » (entretien à venir)

Un Nocturne souriant

C’est donc dans une bonne énergie qu’il joue le Nocturne en fa dièse mineur op. 15 n° 2 de Chopin. La ligne mélodique est clairement énoncée, le tempo berçant et assez retenu. Sous la lumière matinale, son Nocturne est souriant, voire solaire. Il se lève timidement pour saluer, les applaudissements sont un peu timides, eux aussi. Le public n’est peut-être pas encore entré dans son jeu. Mais dès la Barcarolle op. 60, on comprend à quel talent on assiste. Le côté masculin de la musique de Chopin est palpable, tout en étant à la fois doux et sensible. Mais cette sensibilité n’a rien à voir avec le sentimentalisme, celui dans lequel on tombe facilement par une mauvaise lecture de la partition. Au contraire, sa Barcarolle, bien bâtie, est sublimée par des rubati subtiles.

Jean-Baptiste Fonlupt, 29 juillet 2021 à La Roque d’anthéron © Valentine Chauvin

La dualité schumannienne dans une grande cohérence musicale

Suivent les miniatures schumanniennes avec les Fantasiestücke op. 12. On y remarque tout de suite sa conception de rubato que personne ne peut imiter. Une belle sonorité pour un lyrisme rêveur (« Des Abends », « Warum ? ») ; l’image sonore d’une démarche volontairement guindée (« Grillen ») ; les notes jouées très rapidement pour traduire l’espièglerie (« Traumes Wirren ») ou les tourments presque fantomatiques (« In der Nacht »). Il y transforme complètement la sonorité et les propos dans leurs parties centrales. Les accords initiaux de l’« Ende vom Lied » sont majestueux, alors que cette derinière pièce du cycle se termine en tombant dans une sorte de sommeil profonde… Tous ces imaginaires fantastiques de Schumann sont rendus avec des contrastes saisissants. Sous les doigts de Fonlupt, la dispersion ou la dualité, si caractéristique du compositeur, s’exprime paradoxalement dans une grande cohérence musicale qui offre de formidables reliefs comme si on voyageait dans des contrées aux mille merveilles ou si on se perdait dans des imaginations enfantines.

Jean-Baptiste Fonlupt, 29 juillet 2021 à La Roque d’anthéron © Valentine Chauvin

Une vocalité exceptionnelle

Les images en musique se poursuivent avec trois transcriptions par Liszt de Lieder de Schubert. Ici prévalent la richesse de plan sonore, l’opposition et/ou l’harmonie entre le chant et tout ce qui le soutient (et ce n’est pas des accompagnements !), ou encore, l’entrelacement entre les deux. Le pianiste possède une vocalité exceptionnelle et le tempo relativement retenu renforce cette vocalité.
Enfin, après toutes ces pièces ayant chacune un caractère propre, une œuvre de consistante : le Ballade n° 2 en si mineur de Liszt. Dans cette pièce, Jean-Baptiste Fonlupt part à une véritable exploration pianistique. Son jeu fait ressortir des caractères opposés, paisible et belliqueux, calme et mouvementé, réfléchi et pulsionnel. Il « navigue » dans ses éléments, en y puisant toutes les ressources expressives pour conter quelque chose d’inexprimable. Il y a là une narration, celle d’une intériorité. Une intériorité si riche qui se déborde pour nous remplir.
En bis, le Prélude en fa dièse majeur opus 28 n°13 de Chopin. C’est un chant intérieur, un moment de plénitude. Le sentiment qu’ont éprouvé tous les amoureux du piano présents ce matin-là sur les gradins de l’auditorium du Parc.

*Une petite précision pour ceux qui auront quelque doute sur le son : L’acoustique de l’auditorium se modifie significativement en fonction de la place que l’on occupe et encore davantage selon le climat. Lors de ce récital, nous avons choisi de nous installer sur différents sièges au rythme du mouvement du soleil, mais toujours vers 3/4 à l’arrière, côté cour du gradin. Des tessitures médium et grave du piano avaient, ce matin, une résonance particulièrement généreuse, voire saturée. C’était comme si le lieu était sonorisé. Or, l’Auditorium ne l’est en aucun cas. Il y aurait deux explications. L’une, du pianiste : du fait d’une fuite d’eau du conque pendant la nuit, le piano a été reculé légèrement vers l’arrière de la scène, ce qui fait renvoyer le son plus que d’habitude. L’autre, de l’acousticien : le micro-climat de La Roque d’Anthéron crée des directions du vent très variées, et lorsque celui-ci monte, comme ce matin, il peut y avoir des réverbération inhabituellement riche. 

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