Accueil ScènesConcerts Mirabelle Kajenjeri, un talent en pleine éclosion

Mirabelle Kajenjeri, un talent en pleine éclosion

La pianiste française chérie le clavier au Festival Européen des Jeunes Talents

par Victoria Okada
Mirabelle Kajenjeri

Le 17 juillet, la pianiste Mirabelle Kajenjeri a livré un récital remarqué dans le cadre du Festival Européen des Jeunes Talents. Jeune artiste prometteuse, dont l’apparition est encore rare sur des scènes parisiennes, elle a séduit l’auditoire par un programme ambitieux, où sensibilité et virtuosité se mêlaient dans une symbiose parfaitement maîtrisée. Avec une interprétation aussi brillante que personnelle, Kajenjeri s’est imposée comme une artiste à suivre de près.

*****

Dès les premières notes de Feuillet d’album de Marie Jaëll, son toucher souple et délicat a révélé un lien presque intime avec le clavier. Mirabelle Kajenjeri aborde l’œuvre avec une sensibilité naturelle, semblant chérir chaque note, chaque nuance. Son interprétation, fine et nuancée, laissait transparaître son affinité avec l’univers poétique de Jaëll.

 

Miroirs de Ravel : entre légèreté et intensité

Avant d’interpréter Miroirs de Maurice Ravel, la pianiste a pris la parole pour présenter l’œuvre de manière didactique, préparant le public à l’écoute de ces tableaux sonores riches en contrastes. Dans Noctuelles, si son jeu était d’une solidité indéniable, il manquait parfois cette légèreté volatile qui pourrait évoquer le frémissement de ces créatures nocturnes. Cette solidité était cependant un atout dans Oiseaux tristes, où elle parvenait à mieux incarner la gravité et la mélancolie des oiseaux. C’est dans Une barque sur l’océan que Kajenjeri a véritablement brillé : ses poignets et ses bras, souples, épousent les vagues sonores de manière naturelle et délicate, avec une palette de couleurs saisissante. Elle parvenait à rendre palpable le mouvement infini de la mer, avec un jeu fluide et raffiné. Dans Alborada del gracioso, le rythme était vif et entraînant, mais dans la partie médiane, elle est toujours dans l’élan de la première partie où la force subsiste alors qu’on attends plus de lâcher-prise. Kajenjeri a dans son jeu quelque chose de tellurique qui cohabite merveilleusement avec la finesse. Enfin, dans La vallée des cloches, où la beauté de son jeu subtil donne à une impression de sérénité mystérieuse.

Mirabelle Kajenjeri

Mirabelle Kajenjeri au Festival européen des Jeunes Talents, 17 juillet 2024, Temple du Foyer de l’Âme, Paris.

 

Rautavaara et sa Sonate n°2 : audace et virtuosité

L’audace de Kajenjeri s’est exprimée pleinement dans l’interprétation de la Sonate n°2 The Fire Sermon du compositeur finlandais Einojuhani Rautavaara, une œuvre complexe et fascinante. Avant d’entamer la pièce, elle en a proposé un commentaire analytique, qui sert de clé d’écoute aux auditeurs.
Le premier mouvement, virtuose, avec ses arpèges vertigineux, ses sauts spectaculaires et ses séquences mélodiques, évoquait par moments l’univers de Ravel ou de Scriabine, tout en restant résolument moderne. Le deuxième mouvement, plus romantique, rappelait Chopin par son lyrisme, avec de délicieuses dissonances mais aussi des accords massifs qui atteignaient une intensité quasi orchestrale, poussant Kajenjeri à utiliser même son coude pour faire résonner toute la puissance du piano. Le troisième mouvement, rythmique et magmatique, bouillonne d’énergie. Ce choix de répertoire, loin d’être conventionnel, semblait en parfaite adéquation avec la personnalité de la pianiste, audacieuse et déterminée.

 

Une touche finale pleine de grâce et de virtuosité

Pour conclure ce récital déjà bien riche, Mirabelle Kajenjeri a choisi les transcriptions de Liebesleid et Liebesfreud de Fritz Kreisler, arrangées par Sergueï Rachmaninov. Son jeu allie virtuosité et naturel, avec une souplesse toujours envoûtante. Son élégante fluidité enchante le public, qui a eu le privilège de l’entendre dans l’intimité d’un petit comité.
En bis, Kajenjeri offre I Got Rhythm de George Gershwin, où son piano joyeux et communicatif a fait éclater une énergie contagieuse, clôturant ainsi la soirée sur une note d’exubérance.

Mirabelle Kajenjeri

Mirabelle Kajenjeri au Festival européen des Jeunes Talents, 17 juillet 2024, Temple du Foyer de l’Âme, Paris.

 

En somme, Mirabelle Kajenjeri a su montrer au cours de ce récital non seulement une technique irréprochable, mais aussi une profonde sensibilité musicale et une audace qui laisse présager une carrière des plus prometteuses.

 

Programme

Marie Jaëll (1846 – 1925) : Feuillet d’album
Maurice Ravel (1875 – 1937) : Miroirs
Einojuhani Rautavaraa (1928 – 2016) : Sonate n°2 « The fire sermon »
Fritz Kreisler (1875 – 1962) / Sergueï Rachmaninov (1873 – 1943) : Liebesleid, Liebesfreud

17 juillet 2024 à 20 h, Temple du Foyer de l’Âme, Paris.

Mirabelle Kajenjeri au 17e Concours Arthur Rubinstein en 2023.
A partir de 19’32, Une barque sur l’océan et La vallée des cloches de Ravel, puis Liebesfreud de Kreisler/Rachmaninov

 

Print Friendly, PDF & Email

Articles liés

Laisser un commentaire

CAPTCHA


Ce site web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. En poursuivant votre navigation sur le site, vous acceptez les cookies. Accepter