Menton révèle deux jeunes interprètes : Mira Foron et Jan Čmejla 

Grâce à  un partenariat avec la Fondation Gautier Capuçon, le Festival de Musique de Menton présente des jeunes talents voués à mener une carrière internationale. Le 11 août au Palais de l’Europe, la violoniste germano-italienne Mira Foron et le pianiste tchèque Jan Čmejla ont interprété trois œuvres fort variées de Beethoven, Poulenc et Waxmann, révélant ainsi différentes facettes de leur talent.

Musique de chambre au Palais de l’Europe

Depuis quelques années, le Festival de musique de de Menton organise une série de musique de chambre au Palais de l’Europe. Ce sont souvent des jeunes musiciens en vue qui se produisent dans cette série. Cette année, la jeune prodige de piano Arielle Beck (née en 2009), Jonathan Fournel (premier prix du Concours Reine Elisabeth en 2021), et l’ensemble Smoking Joséphine (Geneviève Laurenceau et Fanny Robilliard, violon ; Violaine Despeyroux, alto ; Laure-Hélène Michel, violoncelle ; Lorraine Campet, contrebasse) ainsi que des pianistes de la traditionnelle soirée Jeunes Talents Yamaha se sont précédés avant Mira Foron et Jan Čmejla.

Assurance naturelle

Dès les premières notes, nos deux musiciens font preuve d’une grande assurance sur les plans scénique et interprétatif., mettant ainsi l’auditoire à l’aise. On sent par leur attitude qu’ils ont déjà de nombreuses expériences de concerts et qu’ils savent naturellement attirer l’attention de l’auditoire. Mira Foron, germano-italienne âgée de 21 ans, impressionne par sa projection ample et sa technique raffinée, qui lui permettent d’insuffler une qualité chantante à chaque phrasé. Le pianiste tchèque Jan Čmejla, né en 2003, se distingue quant à lui par un jeu combinant légèreté, agilité et naturel, démontrant son excellence dans la musique de chambre. Tous deux font preuve de lecture remarquable de la partition : leur jeu est vivant, et quand ils prennent du temps, ce n’est jamais stagnant.

Dans les deux œuvres de répertoire, la 3e Sonate de Beethoven et la Carmen Fantaisie de Waxman, ils réussissent à mettre en valeur le caractère de chaque mouvement et de chaque instant.  Dans la Habanera de Carmen Fantaisie, les allargando, rubatos ou portamentos du violon sont joués avec beaucoup d’esprit, dans un bon dosage subtile de chaque élément qui permet de maintenir une cohérence dans ce patchwork d’airs célèbres. Le piano laisse le violon s’exprimer librement, il continue dans une affirmation discrète mais certaine, signe d’une grande musicalité.

MiraForon © Veit Mette

La Sonate de Poulenc

l’originalité de ce récital réside avant tout dans le choix de la Sonate de Poulenc. Pour leur deuxième prestation publique, après le Festival de Colmar le mois dernier, ils parviennent à exprimer le pathétique sous l’apparente insouciance typique du compositeur. Bien que, parfois, la gravité prenne le pas sur l’éthéré, comme l’a fait remarquer une auditrice assise à côté, qui a eu l’occasion de tourner les pages pour de nombreux grands musiciens au Festival de Menton (et certainement ailleurs également), dont la grande cantatrice Elisabeth Schwarzkopf. Cette mélomane et ancienne musicienne nous a confié avoir entendu Poulenc lui-même interpréter cette Sonate avec bien plus de légèreté. Malgré cette observation, le chant doux-amer ou la nonchalance maîtrisée par l’élève de Julia Fischer dans le mouvement lent, si bien soutenu par le piano, reste un moment marquant de la soirée. En effet, tout au long de l’œuvre, le mot « amertume » nous revient à l’esprit, tel un leitmotiv. Un autre moment fort est le lâcher-prise soudain dans le final et sa cadence pathétique. En rappel, ils offrent Chagrin d’amour de Kreisler, interprété avec un tempo modéré et assez carré, qui n’empêche pas toutefois une fluidité chantante.

Programme