Accueil ScènesSpectacles À sa réouverture, l’Opéra de Paris offre une fresque lyrique Le Soulier de Satin de Dalbavie

À sa réouverture, l’Opéra de Paris offre une fresque lyrique Le Soulier de Satin de Dalbavie

par Victoria Okada

L’Opéra de Paris fête retour du public avec une création mondiale, Le Soulier de Satin de Marc-André Dalbavie, d’après le poème éponyme de Paul Claudel.

L’opéra de Marc-André Dalbavie est le dernier de la trilogie de commandes faites par l’Opéra de Paris sur le thème de la littérature française, après Trompe-la-Mort de Luca Francesconi d’après Balzac (2017) et Bérénice de Michael Jarrell d’après Racine (2018). Monter un opéra dont le processus de la création est rompu à cause de la pandémie, qui plus est d’une durée d’interprétation aussi importante n’était certainement pas une mince affaire. Saluons d’abord les efforts tenaces déployés par toutes les équipes de productions et artistes.

Œuvre fleuve épique en six heures dans le respect du texte de Claudel

Divisée en quatre « journées » selon la tradition espagnole, l’œuvre fleuve épique narre l’amour entre Don Rodrigue et Doña Prouhèze qui ne se rencontrent qu’une seule fois, au temps de l’hégémonie espagnole, où les navigateurs de l’Empire ibérique allaient à la découverte du monde non occidental encore inconnu. Pour ces représentations, Raphaèle Fleury réduit le texte original — qui nécessite plus de dix heures de représentation théâtrale — à six heures avec deux entractes. Sans réécriture ni adaptation, il respecte scrupuleusement le texte de Paul Claudel qui est déjà un exploit d’envergure.

Cyril Bothorel et Yann-Joël Collin dans Le Soulier de satin, Opéra National de Paris © Elisa Haberer

La mise en scène rappelle des théâtres anciens

La mise en scène de Stanislas Norday, où se mêlent le sérieux et le comique, parole et chant, musique et poésie, costume et effets théâtraux, rappelle des théâtres anciens, notamment le masque élisabéthain et semi-opéra. Avant même le début du spectacle, en attendant que la salle se remplisse, deux acteurs, Cyril Bothorel (L’annoncier) et Yann-Joël Collin (L’irrépressible), marmonnent des remarques sur les décors, s’adressent à ceux qui sont sur la scène, se parlent entre eux. Ce sont eux qui nous guident tout au long du spectacle, prononcent les didascalies, commentent des situations, souvent d’un ton totalement différent des personnages, à des touches parfois franchement comiques. Leurs interventions, qui ponctuent ainsi cette épopée, donnent à celui-ci une cohérence et animent les scènes où les personnages demeurent assez immobiles. Les peu de gestes que ceux-ci appliquent sont symboliques : des regards, le corps ou les bras dirigés dans un sens ou un autre, suggèrent les sentiments, laissant au spectateur en affiner l’interprétation.

Les grands tableaux comme décors et les costumes somptueux d’époque

Les tableaux de très grandes dimensions sur les châssis mobiles manipulés à vue d’œil par les régisseurs, servent de décors (Emmanuel Clolus). Ils reproduisent des peintures du Greco, de Vinci, d’Il Bronzino… mais uniquement des détails, symbolisant l’état d’âme ou le sort des protagonistes. Le revers de ces tableaux, avec la structure brute en bois, se transformera vers la fin une maison ou un bateau qui abrite Don Rodrigue invalide et ruiné. Encore un symbolisme. Quelques belles vidéos à figures abstraites (Stéphane Pougnand) sur le fond de la scène viennent compléter ces décors. Les costumes d’époque, somptueux jusqu’aux moindres détails (Raoul Fernandez), créent un contrepoint — ou un contrepoids — de ces décors sans éléments concrets. Le réalisme des costumes dans le symbolisme des gestes et des décors, est-ce la vie réelle de ces protagonistes dans leurs rêves irréels ? Ici aussi, chacun est libre d’interpréter comme il lui conviendra.

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