Accueil ScènesConcerts Débuts magistraux de Beatrice Rana avec l’Orchestre de Paris

Débuts magistraux de Beatrice Rana avec l’Orchestre de Paris

par Victoria Okada

Le 27 janvier 2021 à la Philharmonie de Paris, la pianiste italienne Beatrice Rana a fait ses débuts avec l’Orchestre de Paris. En jouant le Concerto n° 1 en si bémol mineur op. 23 de Tchaïkovsky sous la direction de Paavo Järvi, elle a une fois de plus confirmé sa place parmi les plus doués des interprètes de demain.

Beatrice Rana a fait son premier voyage de l’année pour venir à Paris. C’était également ses débuts dans la salle de la Philharmonie, malheureusement vide. Malgré l’absence du public, la pianiste italienne, dont l’interprétation révèle chaque fois sa musicalité exceptionnelle, a donné une prestation époustouflante. Si on a maintes fois entendu le Concerto de Tchaïkovsky et que certains préfèrent un répertoire plus original, son interprétation inspirée n’en reste pas moins convaincante.

Beatrice Rana et Paavo Järvi, le 27 janvier 2021 à la Philharmonie de Paris

Ainsi, de bout en bout, elle mène son jeu dans une concentration aiguisée, sans négliger une seule note. L’imprégnation dans la partition a toujours été son point fort : en entrant elle-même dans la musique, elle y entraine l’auditoire. Sa puissance ne gâche aucunement les tissus sonores qu’elle traite avec soin, la clarté de son discours (jusqu’aux pp profondément enracinés sur le plan de la sonorité) renforce le dynamisme qui se distingue nettement de la masse orchestrale. La fluctuation des tempi montre sa personnalité libre. Son expression droite et déterminée, la distribution intelligente de la force de la tête jusqu’aux doigts, ce dans un admirable équilibre entre une bonne tension et un lâcher-prise, sont toujours fascinants.

C’est d’ailleurs ce qui nous a impressionnés lorsque nous l’avons écoutée pour la première fois, le dimanche 25 août 2013 à l’Orangerie de Bagatelle. A notre connaissance, c’était son premier récital à Paris. Nous avons écrit, dans un compte rendu sur le site ResMusica (30 août 2013) :
« … son piano est symphonique, voire philharmonique. […] Elle présente un étonnant équilibre entre les deux mains et une clarté de discours saisissante – même dans les passages en fortissimo, elle sait parfaitement nuancer ses propos, rien n’est donc jamais saturé ni débordant dans le volume – et ce, avec une puissance surprenante, digne d’un rugbyman, ce qui compense largement sa palette de couleurs qui n’est finalement pas si large. »

L’Orchestre de Paris donne ensuite la Symphonie fantastique de Berlioz sous la direction de Paavo Järvi, son ancien directeur musical. Leur bonne entente se transparaît surtout par un raffinement, par une agilité élastique. L’onctuosité des cordes va de pair avec la subtilité des bois et l’éclat fruité des cuivres, conférant à l’ensemble une couleur inimitable, celle incontestablement française. Aucune brutalité ne bouscule nos oreilles, et pourtant, l’énergie que dégage chaque instrument est palpable. L’importante réverbération de la salle, faute du public, propose une autre écoute à ceux qui assistaient à ce concert sur place : reconditionner par soi-même les résonances. Cette expérience — qui est finalement assez fréquente notamment dans une salle non dédiée à la musique classique — est à la fois amusante et problématique. Amusante car elle permet d’apercevoir le rapport entre différents instruments ; problématique parce que nous nous rendons compte à quel point nous sommes conditionnés par un son « idéal » (en tout cas considéré comme tel) par les disques, et aujourd’hui par la plupart des vidéos dont la source sonore est contrôlée.

Paavo Järvi dirige  l’Orchestre de Paris dans la Symphonie fantastique

Tout cela pour dire que les effets de spatialisation proposés par l’orchestre, au solo de hautbois à la « Scènes aux champs » et les cloches au « Songe d’une nuit de Sabbat », se jouant sur les balcons face à l’orchestre, provoquaient des frissons sur place, tellement on sentait physiquement la vibration, mais la retransmission par internet ne rend évidemment pas toutes les sensations si précieuses que l’on peut éprouver en assistant à un vrai concert…
Quoi qu’il en soit, la soirée nous procurait une bouffée de notes oxygénées pour égayer cette période difficile.

On peut visionner le concert sur le site de La Philharmonie Live 

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