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Tanguy de Williencourt sublime Franck dramatique

Les Djinns, Variations symphoniques, Triptyques pour piano

par Victoria Okada
Tanguy de Williencourt Franck MIR598

Pour cette année fêtant le bicentenaire de la naissance de César Franck, Tanguy de Williencourt publie un somptueux disque associant deux chefs-d’œuvre pour piano seul et deux pièces avec orchestre, celles-ci assez peu connues.

Récemment engagé sur concours en tant que chef de chant à l’opéra de Paris, ce passionné d’opéra (notamment de Wagner) construit sa carrière avec grande intelligence. Si l’opéra représente l’un des genres dramatiques les plus aboutis, la musique de Franck est également dramatique à souhait, s’exprimant dans un récit renouvelé à chaque fois. Il n’est donc pas étonnant que Tanguy de Williencourt aborde Franck avec autant de théâtralité, en choisissant ces deux pièces méconnues avec orchestre dont la variété de timbres enrichit encore davantage le caractère théâtral.

Dans Les Djinns, le poème symphonique pour piano et orchestre d’après un poème de Victor Hugo (Les Orientales)*, cette théâtralité est transcendée par les figures des Djinns, des créatures maléfiques. Pourtant, l’écriture ne suggère pas le même type de maléfice que dans Mephisto-Valse de Franz Liszt, plus cynique et plus diabolique. Mais le pianiste compare des éléments constructifs de ce poème symphonique à la Sonate en si du même Liszt dans le livret qu’il a lui-même rédigé. D’ailleurs, son texte nous éclaire grâce à une analyse succincte de chaque pièce en suivant le fil de la partition. Il nous aide également à comprendre la structure des Variations symphoniques qui, a l’écoute, n’est pas aussi évidente pour apercevoir les « variations » qui s’enchaînent, d’autant que l’introduction et la coda importante nous égarent encore.

 

 

Pour les deux œuvres en solo, encore une fois, la théâtralité est mise en avant avec la profondeur propre au compositeur. Comment bien faire sonner le piano dans une écriture aussi dense, en gardant autant de clarté, sans surcharger ni saturer les notes ? Cela dépend purement et simplement de la musicalité du pianiste. Et cette musicalité, Tanguy de Williencourt l’a. Il l’a fait preuve dans chacun de ces disques, notamment les deux derniers enregistrements en solo parus chez Mirare (Transcriptions d’opéra de Wagner en 2017 et les Bagatelles de Beethoven en 2020). Mais ici, il ouvre une nouvelle dimension par la limpidité, par le dynamisme, par la fermeté de l’expression. Cette dimension n’est certainement pas étrangère au métier de chef de chant. Voilà un artiste qui sait où aller, et qui sait grandir avec ses envies.

Son interprétation magistrale, rigoureuse et vigoureuse, imaginative et créative, et en toute harmonie avec le Symfonieorkest Vlaanderen (l’Orchestre symphonique de Flandre) sous la direction de Kristina Poska, Tanguy de Williencourt sublime Franck dramatique et s’impose désormais dans la discographie des œuvres du compositeur.

1CD Mirare MIR598. Enregistré au Concertgebouw de Bruges du 26 au 29 avril 2021. Durée : 67’37.

* Vous pouvez lire le poème Les Djinns ici ou ici

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