Accueil Rencontres Vincent Lhermet dans la création de Gérard Pesson – « Rêver un concerto idéal à un programme imaginaire »

Vincent Lhermet dans la création de Gérard Pesson – « Rêver un concerto idéal à un programme imaginaire »

par Victoria Okada

L’accordéon est une véritable vocation pour Vincent Lhermet. Fasciné par cet instrument dès l’âge de quatre ans, il travaille inlassablement depuis son adolescence en quête de nouveaux horizons et de nouvelles possibilités sonores. Il a ainsi formé un duo Les inAttendus avec la violiste Marianne Muller et collabore activement avec des compositeurs pour des créations, tout en consacrant une partie de son temps à la transcription de chefs-d’œuvre. La longue liste de son répertoire nous en témoigne avec éloquence. 

Dans la continuité de ces recherches musicales, il vient de créer une composition de Gérard Pesson, le Concerto pour accordéon « chante en morse durable », au cours du concert tenu le 3 avril dernier à l’Auditorium Rainier III, au Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo. Nous l’avons rencontré à cette occasion.

Avez-vous retrouvé le public pour la première fois depuis longtemps ? Si oui, quel effet cela vous a procuré ?

Effectivement, je n’avais pas joué en public depuis le mois d’octobre. Même si j’ai eu la chance d’être bien occupé depuis le confinement de l’automne avec des enregistrements, captations, répétitions, jouer en public procure des émotions, des sensations uniques. Au-delà de l’événement qu’était pour moi cette création (planifiée depuis 2016), je suis sorti de scène aussi heureux que complètement « vidé » par ces énergies si particulières que constituent le contact avec le public. On ne parle pas d’« arts vivants » pour rien ! La musique en tant que phénomène vibratoire est présente dans la nature depuis toujours. Jouer devant un public, pour un public, c’est un échange d’énergies, c’est un don de soi, une forme de transmission. Car on sent les gens dans la salle. Donc rien à voir avec les concerts sur écran qui, au-delà de l’aspect intéressant d’avoir des archives de concerts, ne remplaceront jamais une situation musicale (je ne choisis volontairement pas le mot concert), quelle qu’elle soit.
J’ai eu la chance de me glisser dans la salle pour entendre l’arrangement de Schoenberg pour orchestre du quatuor avec piano de Brahms et je dois dire le bien fou que cela m’a fait et l’énergie tellement communicative des musiciens d’être sur scène et du public d’être là ! Le concert est une joie irremplaçable.

Pourriez-vous décrire l’œuvre ?

Gerard Pesson © C. Daguet : Editions Henry Lemoine

L’œuvre de Gérard Pesson revêt pour moi une saveur toute particulière. C’est Marc Monnet (directeur artistique du Festival, ndlr) qui m’a proposé en 2016 de faire la création d’un concerto avec orchestre avec le compositeur de mon choix. Nous nous sommes entendus sur Gérard Pesson, dont j’admire le travail, la sensibilité, la poésie et l’humour musical. Il a écrit ce qu’il appelle un concerto « adressé », c’est-à-dire qui s’inspire d’une certaine vision que je peux avoir de l’instrument. A l’époque, il m’avait demandé de rêver un concerto idéal qu’il pourrait « retranscrire » en quelque sorte et je lui avais écrit une sorte de « programme imaginaire ».

 

Gérard Pesson est parvenu à nous faire entendre les éléments constitutifs de « l’essence première » de l’accordéon

 

Au-delà de l’orchestrateur subtil qu’est Gérard Pesson, il est parvenu dans son œuvre à nous faire entendre les éléments constitutifs de « l’essence première » de l’accordéon, seul instrument qui inspire et expire (il nous le fait d’ailleurs entendre) de par son soufflet, à la fois instrument à clavier doté de capacités virtuoses infinies et instrument à vent permettant des phrasés vivants, instrument « machine » que l’on perçoit notamment dans les clusters ou les suraigus mais instrument mélancolique et nostalgique. Si le compositeur nous livre un concerto de soliste, il met en scène de nombreux dialogues de timbres, doublures, tuilages avec quasiment tous les instruments de l’orchestre, comme un rappel de la présence de l’accordéon dans l’orchestration contemporaine et son association délicieuse avec n’importe quel type de timbre.
Le titre « chante en morse durable » peut permettre une clé d’écoute, à savoir la répétition « quasi en morse » d’un mi persistant, durable (?), associé à la capacité de l’instrument à « chanter », que l’on perçoit notamment dans l’air orné qui constitue le sens de l’œuvre et qui fait écho à notre passion commune pour le XVIIe siècle français.

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