Le dernier concert du festival Pianoscope à Beauvais fut une véritable fête. Alexandre Kantorow revient sur scène, non pas de la Maladrerie mais du Théâtre du Beauvaisis, en compagnie de l’orchestre Les Siècles et François-Xavier Roth. La soirée est consacrée à Camille Saint-Saëns dont on célèbre le centenaire de la mort cette année.
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Le concerto « L’Egyptien »
Le Concerto pour piano et orchestre n° 5 en fa majeur op. 103 « L’Egyptien » est dans le répertoire de Kantorow depuis ses débuts. Il l’a d’ailleurs enregistré avec Tapiola Sinfonietta sous la direction de Jean-Jacques Kantorow, son père . Au moment de la sortie (mai 2019) de ce disque complété par les 3e et 4e concertos du même compositeur, on ne savait pas encore s’il allait obtenir la médaille d’or au prestigieux Concours Tchaïkovsky. Mais l’enregistrement montrait déjà sa musicalité hors pair, sa lecture très solide de la partition et sa virtuosité au service de la musique.
Un Bechstein pour le concerto le plus brillant de Saint-Saëns
Ce soir-là, la réjouissance musicale est une fois de plus confirmée. Le piano, un Bechstein, était accordé en fonction des instruments de l’époque sur lesquels les musiciens des Siècles jouent toujours. Interpréter le concerto le plus brillant de Saint-Saëns sur un Bechstein, qui a un son beaucoup plus sobre qu’un Steinway, paraît étrange. Question de logistique, apparemment ; le Steinway est dans l’autre salle. Mais peu importe, ses doigts tirent le meilleur de n’importe quel instrument.
Un dialogue heureux entre le pianiste et l’orchestre
Ainsi, avec une précision rythmique sidérante, avec des nuances infinies de couleurs, il joue les trois mouvements en maintenant continuellement la même tension, agréable, dans l’engagement toujours profond. Eblouissant, il ne lâche pas une seule note. Pour leur toute première collaboration, un dialogue heureux s’installe immédiatement entre le pianiste et l’orchestre. Ils se répondent comme des grands comédiens qui partagent les planches depuis de nombreuses années. Entre les cuivres à la sonorité corsée (surtout les cors), les cordes surettes et les timbales épicées, le piano change de sauce à chaque plat, et même à chaque ingrédient à l’intérieur d’un plat. Mais toujours dans une cohérence dans le goût. Ainsi, nous sommes que totalement rassasiés à la fin de toutes ces notes. Pour répondre à l’acclamation, le jeune pianiste donne le final de l’Oiseau de feu, l’un de ses bis favoris, encore un morceau haut en couleur.
Une allégresse générale
Auparavant, François Xavier Roth offre une pièce rarement jouée, le poème symphonique Phaéton op. 39 (1873). L’interprétation permet toutes les caractéristiques de cette partition somptueuse où différents plans sonores se chevauchent admirablement, et qui donne à chaque pupitre des occasions de se distinguer.
Pour clôturer la soirée, Les Siècles donnent le 3e Symphonie « Avec orgue ». Nous l’avons écouté une semaine plus tôt dans la cathédrale de Laon avec son grand orgue Henri Didier (lire notre comte-rendu). Ce soir, on entend un orgue (tenu toujours par Daniel Roth) avec un son électrique diffusé par des haut-parleurs. Bien sûr, la splendeur du 3e mouvement est un peu diminuée, l’équilibre entre l’orchestre et l’orgue n’est pas le même. Mais François Xavier Roth est un magicien qui sait susciter immanquablement l’exaltation. Après le 1er mouvement rigoureux et le deuxième mouvement tout en douceur, la montée vers le climax de la fin est une véritable expérience, parsemée d’épisodes à tous les caractères.
Comme une semaine auparavant, le concert se termine avec la Bacchanale de Samson et Dalila, dans une allégresse générale.
Lire notre compte-rendu du concert de musique de chambre par Alexandre Kantorow et Renaud Capuçon et du récital de Jean-Baptiste Fonlupt au Festival Pianoscope
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Programme
Camille Saint-Saëns, Phaéton
Camille Saint-Saëns, Concerto pour piano et orchestre n°5 en fa majeur, op. 103 « L’Egyptien »
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Camille Saint-Saëns, Symphonie n° 3 en ut mineur, op. 78
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Alexandre Kantorow, piano
10 octobre 2021 à 18h, Théâtre du Beauvaisis dans le cadre du festival Pianoscope