Accueil ScènesSpectacles Le puissant diptyque La Voix Humaine – Point d’orgue au Théâtre des Champs-Elysées

Le puissant diptyque La Voix Humaine – Point d’orgue au Théâtre des Champs-Elysées

par Victoria Okada

Les 3 et 5 mars derniers, a eu lieu au Théâtre des Champs-Élysées la captation d’un diptyque constitué de La Voix humaine de Cocteau/Poulenc et de Point d’orgue de Py/Escaich, ce dernier en création mondiale. Patricia Petibon, Jean-Sébastien Bou et Cyrille Dubois incarnaient les trois personnages aussi forts les uns que les autres. France Musique diffuse l’enregistrement le 27 mars à 20h pour clôturer la semaine « Action ! Création ! ».

Un diptyque déroutant

La Voix Humaine de Francis Poulenc est un monologue lyrique sur le livret de Jean Cocteau, mettant en scène le seul personnage : Elle. Une œuvre singulière où Elle exprime ses détresses de la séparation, accrochée au téléphone dont la communication ne cesse d’être entrecoupée. Imaginer une suite de ce drame : voilà le défi qu’ont lancé Olivier Py et Thierry Escaich. Si Lui, au bout du fil, est invisible dans le texte de Cocteau, Py, qui est également metteur en scène du diptyque, le présente en faisant traverser la rue sous la chambre d’Elle. Il est accompagné d’un autre homme, L’Autre, qui va jouer un rôle capital dans Point d’orgue. Le décor unique, une chambre en hauteur qui pivote pour que le plafond se retrouve au sol et vice-versa, symbolise l’état d’esprit du personnage, d’abord Elle, puis Lui. La chambre d’Elle de Poulenc se transforme en celle que Lui loue dans un hôtel, peut-être le même à Marseille où Lui descendait dans La Voix Humaine. Cette unité visuelle du décor, dessiné par Pierre-André Weitz, facilite au spectateur de trouver la continuité. La lumière de Bertrand Killy est tout aussi psychologique que les personnages, jouant les mêmes gammes de couleurs que le décor : le rouge et le noir, en passant par le rose et par le blanc fluorescent de néon.

La Voix Humaine © Vincent Pontet

Jeu psychologique et renversement de rapport de force

L’« Autre » fait inverser le rapport entre Elle et Lui. « Une allégorie de la dépression elle-même » selon l’auteur, L’Autre entretient une relation malsaine avec Lui, entrainant celui-ci dans le « sadomasochisme psychologique » tout en étant à la fois « son dealer, son bourreau, peut-être son amant ». Si La Voix Humaine évoque la différence sociale des deux protagonistes, et Point d’orgue souligne encore davantage cette différence entre Lui et L’Autre ; celui-ci appartient au bas de la société et pourtant, c’est lui qui manipule le compositeur, c’est-à-dire créateur, mais incapable (c’est ainsi que Py présente le personnage de Lui) qui en devient dépendant.
Un jeu psychologique donc, qui forme une boucle infernale au premier abord mais à la fin, Elle prend son indépendance et triomphe par sa force d’autonomie. On peut effectivement y projeter le changement de paradigme qui s’opère progressivement dans notre société actuelle avec toutes les luttes en faveur de la reconnaissance des situations féminines. Mais au-delà d’une telle lecture, c’est la construction d’un dramatisme qui fascine.

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