L’Atelier Lyrique de Tourcoing a organisé deux jours de festivité les 24 et 25 septembre. Le samedi 25 après-midi, se sont succédé quatre concerts, avec des musiques de genres et de périodes différents, allant de Monteverdi à Copland. Cette variété symbolise la saison dont la programmation s’annonce riche, tant sur les périodes musicales que sur les interprètes invités, souvent de talents plus que confirmés ou jeunes musiciens en vue. Nous avons assisté au récital d’Axelle Fanyo avec Adriano Spampanato.
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Dès le début de l’après-midi du 25 septembre, à l’auditorium du conservatoire, c’est un véritable voyage musical que nous convie Axelle Fanyo, du romantisme allemand au XXe siècle américain, en passant par la modernité française.
La soprano française est l’une des rares cantatrices toujours à l’aise dans toutes les périodes et dans toutes les langues, ainsi que dans tous les styles. Complètement investie dans chaque partition, elle vit la musique de manière entière. Son sens musical inée permet aux auditeurs de s’abandonner dans la musique, les paroles et les sentiments qu’elle incarne.
Dans La Chevelure des Trois Chansons de Bilitis de Debussy, elle marie la sinuosité de la musique et la langue française pour créer une atmosphère langoureuse. Parmi les trois mélodies de Duparc, c’est à travers Au Pays où se fait la guerre qu’elle suscite le plus d’émotion avec l’évocation des sentiments du temps sombre.
Changement de caractère pour les Lieder. Même si son timbre reste le même, la langue allemande confère un autre visage à sa voix. Que ce soit Erwartung mahlérien d’Arnold Schoenberg, Verlassen dans laquelle celui-ci est en train de pousser la limite de la tonalité, ou le jeune Johannes Brahms (Liebestreu op. 3) et Brahms de maturité (Verzahgen op. 72), ou encore Mörike Lieder de Hugo Wolf pleinement post-romantique, Axelle Fanyo maîtrise chaque langage dans une articulation toujours claire.
Mais c’est dans les pièces américaines qu’elle s’éclate littéralement. Trois chansons de Charles Ives et deux d’Aaron Copland nous offrent une occasion de plus pour apprécier encore davantage son immense talent, sa joie de chanter, dans une sorte de lâcher-prise. Dans Going to Heaven de Copland notamment, cette joie est telle qu’elle danse sur scène et toute la salle bat les mains au rythme de la musique. Le public a pu prolonger sa joie contagieuse avec Amor et George (extraits de Cabaret songs de William Bolcom) qu’elle donne en bis.
Au piano, Adriano Spampanato, avec qui elle forme un duo depuis déjà quelques années, est un partenaire idéal. Il met pleinement en valeur toutes les qualités de la chanteuse sans qu’il ne soit trop mis en avant lui-même, mais on sait à quel point cet exercice est difficile. Les Naïades et le Faune indiscret de Déodat de Sévrac qu’il interprète en solo montre son talent de coloriste. D’ailleurs, le choix de la pièce en dit long pour sa recherche de peinture sonore.
Programme :
DEBUSSY Claude (1862-1918) : Trois chansons de Bilitis
DUPARC Henri (1848-1933) : L’invitation au voyage, Chanson Triste, Au pays où se fait la guerre
SCHOENBERG Arnold (1874-1951) : Erwartung op.2, Verlassen op.6
WOLF Hugo (1860-1903) : Mörike-Lieder « : Das verlassene Mägdlein », « Verborgenheit »
BRAHMS Johannes (1833-1897) : Liebestreu op.3, Verzagen op.72
SÉVERAC Déodat de (1872-1921) : Les naïades et le faune indiscret (piano solo)
IVES Charles (1874-1954) : Children’s hour, A Night Song
COPLAND Aaron (1900-1990) : Twelve Poems of Emily Dickinson : « Heart, we will forget him », « Going to Heaven »
Axelle Fanyo, Soprano
Adriano Spampanato, Piano