Accueil ScènesSpectacles Pelléas et Mélisande à Lille, ou l’enfermement par oppositions

Pelléas et Mélisande à Lille, ou l’enfermement par oppositions

par Victoria Okada

Un pari vocal

Cette représentation est conçue pour la captation. Le visionnage de la vidéo montée et diffusée avec le son mixé serait donc nécessaire afin d’apprécier les chanteurs. La disposition de l’orchestre est, comme nous l’avons vu, considérablement élargie. Par ce fait, elle modifie le rapport sonore entre la fosse et la scène. Ainsi, certaines voix ne parviennent pas jusqu’à nous, pourtant installés au premier balcon face. Sous cette condition, deux rôles se démarquent particulièrement : Mélisande et Golaud. Vannina Santoni est une Mélisande présente. Sa présence est renforcée par son timbre chaleureux, parfois charnu. Son intonation soignée et ses aigus sûrs colorent avec délicatesse son rôle. Alexandre Duhamel campe merveilleusement le personnage de Golaud jaloux et tourmenté. Sa voix de baryton intense y fait une affaire extraordinairement probante. À travers ce rôle, il impose son autorité vocale avec évidence, doublé de son jeu d’acteur convaincant. Julien Behr incarne Pelléas sensible et subtile, si bien que sa voix est parfois couverte lors de certains tutti de l’orchestre et il faudra le découvrir en vidéo pour apprécier pleinement cette subtilité.

Jean Teitgen forge un Arkel qui tente de maintenir la sérénité apparente mais en réalité désemparré, le jeu psychologique qu’il propose est discret mais éloquent. Damien Pass et Mathieu Gourlet, respectivement le médecin et le berger, assument ces « petits » rôles avec excellence et leur insufflent entièrement un caractère dans le temps d’apparition très courte. Marie-Ange Todorovitch peine à « matérialiser » la transparence de la partition avec une projection de poitrine souvent raidie. La fragilité et le trouble de la petite âme d’Yniold marquent l’esprit du spectateur à travers la voix, qui n’a pas encore d’assise, du jeune Hadrien Joubert (de la Maîtrise de Caen). C’est peut-être là que le pari vocal de cette production se révèle le plus audacieux. Outre l’opposition du couple Mélisande/Pelléas insaisissable contre Golaud épris de réalité (même s’il veut faire correspondre celle-ci à sa propre réalité, qui est en définitive imaginaire…), une autre opposition, l’innocence d’un enfant face aux tourments des adultes est mise en relief, ce qui fait la force de cette production.

Pelléas et Mélisande
Opéra en 5 actes de Claude Debussy (1862-1918) Livret de Maurice Maeterlinck
Direction musicale : François-Xavier Roth
Mise en scène et scénographie : Daniel Jeanneteau
Collaboration artistique et lumières : Marie-Christine Soma
Costumes : Olga Karpinsky
Assistant musical : Benjamin Garzia
Assistant mise en scène : Antonio Cuenca Ruiz
Chef de chant : Nicolas Chesneau
Chef de chœur : Yves Parmentier
Avec
Pelléas : Julien Behr
Mélisande : Vannina Santoni
Golaud : Alexandre Duhamel
Geneviève : Marie-Ange Todorovitch
Arkel : Jean Teitgen
Le médecin : Damien Pass
Yniold : Hadrien Joubert de la Maîtrise de Caen
Chœur de l’Opéra de Lille ; Orchestre Les Siècles

Nouvelle production de l’Opéra de Lille ; Coproduction théâtre de Caen, Les Siècles

Représentation-captation du 22 mars 2021 à l’Opéra de Lille

La captation sera mis en ligne à partir du 9 avril à 19h sur OperaVision.

Articles liés

Laisser un commentaire

CAPTCHA


Ce site web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. En poursuivant votre navigation sur le site, vous acceptez les cookies. Accepter