Dans la compagne profonde d’Auvergne, une petite rivière coule tranquillement dans la vallée ; il sépare du Cantal de l’Aveyron. L’Hirondelle, son nom, est devenue celui d’un festival qui irrigue avec la musique ce havre de paix depuis 2016.
Créé et porté par Joëlle Martinez, la violoncelliste du Quatuor Ardeo, le Festival Hirondelle est depuis deux ans sous la direction artistique de Yuko Hara, l’altiste du même Quatuor. Cette année, elle a choisi un thème de « Lettres » pour cinq jours de festivités.
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Le 25 juillet, Akira Mizubayashi, auteur de la trilogie Âme brisée, Reine de cœur et Suite inoubliable, a livré le secret de sa créativité dans une rencontre avec la librairie indépendante Cité du Vent. Des anecdotes sur les trois histoires autour des instruments de quatuor à cordes, son amitié avec Daniel Perec, son rapport avec les deux langues, japonaise et française… Des sujets ne manquent pas et le public venu nombreux était totalement conquis par ses récits.
« Ecoute littéraire » autour de la trilogie d’Akira Mizubayashi
Le lendemain 26, à l’église de Saint-Martin-sous-Vigouroux, le concert « Écoute littéraire » offre une fascinante correspondance entre les extraits de la trilogie et les musiques qui y sont racontées. L’« introduction » sous forme de dialogue avec l’écrivain et Yuko Hara — dont certains sujets ont été déjà évoqués la veille —, occupe la moitié de la première partie du concert. La musique commence en douceur par un extrait (Gloria) de Missa Solemnis de Beethoven joué dans les coulisses, sur lequel l’auteur procède à une lecture d’extraits de Suite inoubliable où il est question de « In terra pax hominibus bonae voluntatis. Dona nobis pacem » (extrait de Gloria et d’Agnus Dei).
Ensuite, Joëlle Martinez interprète la première Suite pour violoncelle seul de Bach, dans laquelle le contraste est roi. Tout au long des six pièces qui constituent la Suite, qui sont également le titre de chaque chapitre du même roman, la violoncelliste fait preuve d’une grande flexibilité dans les tempos et les rythmes, en prenant parfois beaucoup de temps, notamment dans Sarabande.
Mozart, Chostakovitch et Elgar
La Gavotte en rondeau (extraite de la Partita pour violon n° 3, qui rythme le récit dans Âme brisée) interprétée avec élégance par Mi-Sa Yang, marque le début de la deuxième partie de la soirée. Elle est suivie du premier mouvement du quatuor « Rosamunde » de Schubert, une autre œuvre clé dans Âme brisée, par le Quatuor Ardeo expressif et souple. La tension émotionnelle et musicale monte avec le quatuor n° 8 de Chostakovitch (2e et 4e mouvements). « La mélancolie est un mode de résistance » (Reine de cœur) résonne chez chaque auditeur comme une sorte d’ostinato sous-jacent pour cette musique poignante. Une longue note de la dièse au premier violon de Carole Petitdemange, d’abord presque inaudible puis en crescendo, accompagne un bref extrait de Reine du cœur. Puis, avant que l’« Allegro molto » prenne dessus avec le célèbre formule ré-mi bémol-do-si suivi d’accords dissonants et grinçants répétés trois fois. Placés dans le contexte du roman qui relate la violence et l’ambiance irrationnelles de l’époque, ces accords revêtent davantage un caractère ironique et désespéré. Un autre extrait littéraire sur une note, cette fois de si, toujours au violon, pour terminer ce chapitre dans un climat où l’angoisse ne se dissipe pas. Le mouvement lent de la Symphonie concernante de Mozart par Carole Petitdemange et Yuko Hara est une expression de résignation à travers la grâce, ou vice versa.
Le concert prend fin avec une note d’espoir et d’apaisement. Salut d’amour d’Elgar (en référence de Reine de cœur), dans une transcription pour quatuor à cordes de Wolfgang Biertel, est une véritable brise fraîche.
La musique des mots d’Akira Mizubayashi, part 1
La musique des mots d’Akira Mizubayashi, part 2
(sur le site de l’UNESCO)
Concert du 26 juillet, Eglise de Saint-martin-sous-Vigououx