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A. Kantorow et T. Sokhiev enchantent la Philharmonie de Paris

Le Münchner Philharmoniker dans un éblouissant programme russe

par Victoria Okada
Münchner Philharmoniker sous la direction de Tugan Sokhiev

La soirée s’annonce grandiose en ce vendredi 2 novembre à la Philharmonie de Paris. Alexandre Kantorow interprète la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, accompagné du Münchner Philharmoniker, sous la direction de Tugan Sokhiev. Deux fortes personnalités, un orchestre chargé d’histoire, et un programme russe que le chef maîtrise avec brio : tout est réuni pour un concert inoubliable.

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 Il est 19h45. Dans la salle, les sons graves des cordes se mêlant aux murmures des spectateurs qui prennent place. Huit contrebassistes du Münchner Philharmoniker répètent des passages techniques exigeants, notamment l’ouverture de Rouslan et Ludmila de Glinka. Ailleurs sur le plateau, les pupitres et sièges sont encore vides, mais une excitation palpable nourrit l’attente d’une soirée que chacun sent déjà mémorable. Et comme pour répondre à cette attente, la salle émerge d’un véritable tourbillon d’émotions à la fin de la première partie, transformée par une interprétation magistrale.

 

Alexandre Kantorow : une sidération

Les spectateurs ne tarissent pas d’éloge pour leur héro national, Alexandre Kantorow. Comment exprimer cette sidération face à une interprétation toujours intense, toujours centripète ? Comment parvient-il à une telle concentration alors qu’il multiplie les concerts à travers le monde ? Sa jeunesse en est peut-être un indice, mais elle n’explique pas tout. C’est son génie qui éclate à chaque instant, révélant des idées lumineuses, passant de la légèreté à la gravité, du chant au rythme, dans une cohérence harmonieuse du début à la fin. C’est presque un miracle à chaque performance, d’où cette question persistante : comment réussit-il à maintenir une telle intensité ?

Alxandre Kantorow avec le Münchner Philharmoniker sous la direction de Tugan Sokhiev

Alxandre Kantorow avec le Münchner Philharmoniker sous la direction de Tugan Sokhiev, le 2 novembre 2024, Philharmonie de Paris

Dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, Kantorow transcende la virtuosité pour offrir un moment de grâce et d’énergie. Dès les premières notes, il « saisit » et « plaque » les accords avec une puissance maîtrisée, comme s’il jetait des rochers, sans aucune lourdeur. La pièce devient aussitôt son terrain de jeu, une musique en trois dimensions, voire en quatre, marquée par ce « quelque chose de grandiose » qui n’appartient qu’à lui et reste indéfinissable. En parfaite complicité avec la baguette inspirée et précise de Tugan Sokhiev, les variations rhapsodiques du compositeur russe se déploient dans des nuances tour à tour flamboyantes, tendres, fermes et résolues. Tous les visages de l’âme humaine se dévoilent, et l’auditeur, ébloui, les reçoit tels quels, sans filtre. Là réside l’originalité de ces deux musiciens d’exception : virtuoses, certes, mais surtout passeurs d’émotions.
Kantorow prolonge l’émotion avec La Mort d’Isolde de Wagner transcrite par Liszt et Litanei de Schubert revue par Cortot. Sous ses doigts, le piano se fait tour à tour orchestre et voix, et il devient tour à tour coloriste et chanteur.

Tugan Sokhiev le magicien

Tugan Sokhiev dirigeant le Münchner Philharmoniker à Paris

Tugan Sokhiev dirigeant le Münchner Philharmoniker, le 2 novembre 2024, Philharmonie de Paris

Quant à Tugan Sokhiev, il déploie l’Orchestre philharmonique de Munich à sa guise, tel un magicien, pour cette soirée russe. Outre la Rhapsodie de Rachmaninov, le programme comprend l’ouverture de l’opéra Rouslan et Ludmila de Glinka et Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Dans ces œuvres, le nombre impressionnant de cordes se fait remarquer : est-ce un héritage des grands orchestres romantiques germaniques ? L’interprétation « moderne » de Sokhiev, avec un tempo généralement allant, pourrait sembler peu adaptée à une telle formation, mais sa baguette sait mettre en valeur chaque pupitre. Nous l’avons dit, Sokhiev déploit l’orchestre à sa guise ! En particulier, Shéhérazade devient le terrain idéal pour illustrer son talent : à chaque retour des thèmes de Shéhérazade et des autres personnages, le motif se réinvente sans cesse. Le son et les phrasés font vivre l’histoire, les nuances expressives dévoilant les sentiments des protagonistes, tandis que le violon solo de Naoka Aoki (2e prix et le prix spécial du Prince Albert II de Monaco au Concours Long-Thibaud en 2014) insuffle une sensualité infinie. Pour terminer cette soirée riche et intense, Sokhiev et Le Münchner Philharmoniker offre un fragment émouvant de Gopak, un opéra inachevé de Moussorgky.

Naoka Aoki, premier violon solo du Münchner Philharmoniker

Naoka Aoki, premier violon solo du Münchner Philharmoniker sous la direction de Tugan Sokhiev, le 2 novembre 2024, Philharmonie de Paris

Ainsi, l’orchestre enveloppe le public dans un écrin sonore, révélant toute la richesse de ce kaléidoscope enchanteur.

Photos © Antoine Benoit-Godet / Cheeese

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