Depuis vingt-cinq ans, l’association Jeunes Talents organise son festival international d’été aux Archives nationales, dans le Marais. Dans une ambiance de vacances à Paris, le site historique de l’Hôtel de Soubise se métamorphose en un lieu de concerts chaleureux, alliant patrimoine et musique vivante.
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25 ans pour promouvoir les jeunes musiciens
Cette année, le festival s’est tenu du 6 au 26 juillet. Fidèle à sa tradition, il convie quelques anciens « jeunes talents » à parrainer la nouvelle génération. Ainsi, le pianiste Johan Farjot et la violoniste Elsa Grether ont chacun donné un « concert de maître » en compagnie d’autres jeunes musiciens. Le 14 juillet, le chœur féminin Music Chain for Ukraine est revenu pour la troisième fois, sous l’égide de la pianiste Natacha Kudritskaya, qui a également présenté, le 21 juin lors de la Fête de la Musique, de jeunes musiciens ukrainiens. Cette année a aussi marqué le retour des concerts en plein air à la Cour des Grands Dépôts, dont les trois murs offrent une acoustique généreuse et enveloppante, telle une caisse de résonance naturelle.
Cette édition, nous avons assisté à deux concerts marquants : un concert de piano à quatre mains le 17 juillet, réunissant Sacha Morin et Antonin Bonnet, puis un récital de Bella Schütz, tous deux dans un esprit de dialogue entre répertoires allemand et français.

Sacha Morin et Antoine Bonnet aux Jeunes Talents, 17 juillet 2025, l’Hôtel de Soubise © Caroline Bottaro
Sacha Morin et Antonin Bonnet : un premier duo à quatre mains
Parmi les moments marquants, le récital du 17 juillet réunissait pour la première fois Sacha Morin et Antonin Bonnet dans un duo à quatre mains. La rencontre, inédite, illustrait bien la vocation du festival : provoquer des collaborations que les musiciens eux-mêmes n’auraient pas imaginées. Leur dialogue s’ouvrait sur les couleurs chatoyantes de Ravel et la grâce nostalgique de Mel Bonis, avant que chacun ne prenne le clavier en solo. Antonin Bonnet dans la Sonate n° 28 en la majeur op. 101 de Beethoven, affiche une énergie communicative, tout comme dans ses interventions pour commenter les pièces jouées au cours du concert. Sacha Morin, plus introspectif, façonnait dans la Wanderer-Fantasie un Adagio d’une intensité méditative, avant de libérer l’élan bondissant du Scherzo. De cette différence de tempérament est née une Fantaisie de Schubert à la fois naturelle, fluide et équilibrée.
Antonin Bonnet s’apprête par ailleurs à publier, le 19 septembre 2025, son premier disque en duo avec la violoniste Iris Scialom, Arborescence (https://scalamusic.fr/products/arborescence), consacré à Fauré, Ravel et Enesco, tout en poursuivant ses activités en trio avec Iris Scialom et le violoncelliste Krzysztof Michalski.
Bella Schütz : entre rigueur et poésie sonore
Quelques jours plus tard, la pianiste Bella Schütz, née en 2002 et déjà connue du public du festival, revenait avec un programme où l’architecture rigoureuse de Beethoven et de Mendelssohn dialoguait avec les harmonies diaphanes de Debussy et l’élan fantasque de Schumann. La météo étant incertaine, le récital se déroule à l’intérieur de l’Hôtel de Soubise.
Dans l’« Andante favori » et la Sonate op. 10 n° 2 de Beethoven, elle fait preuve d’un phrasé soigné et d’une constance de souffle qui préservent la beauté formelle tout en laissant filtrer la tension romantique sous-jacente. L’univers change radicalement dans les pages debussystes, où la pianiste rend avec finesse la poésie évanescente de Cloches à travers les feuilles et d’Et la lune descend sur le temple qui fut, avant de faire éclore les couleurs chatoyantes de Poisson d’or. La gravité structurée du Prélude en mi mineur de Fanny Mendelssohn prépare l’édifice magistral de la Fantaisie de Schumann, que Bella Schütz construit avec une clarté architecturale rare, alternant vigueur, tendresse, inquiétude et rêverie. Si, par moments, la rigueur domine encore sur la souplesse, cette retenue annonce un potentiel d’expressivité qui ne demande qu’à se déployer. En bis, la Forlane et la Toccata du Tombeau de Couperin de Ravel emportent l’adhésion du public, la virtuosité éclatante de la seconde venant clore le concert dans un tourbillon d’énergie.
Festival international des Jeunes Talents, Hôtel de Soubise (Cour des Grands Dépôts), les 17 et 24 juillet 2025
Programme
Antine Bonnet et Sacha Morin, 17 juillet 2025 à 20h
Mel Bonis (1858 – 1937): Pavane pour piano à 4 mains, op. 81 | 1902
Maurice Ravel (1875 – 1937) : Rhapsodie Espagnole, op. 54 (Prélude à la nuit ; Malagueña)
Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) : Sonate pour piano n°28 en la majeur, op. 101 – Antonin Bonnet
Franz Schubert (1797 – 1828) : Wanderer Fantaisie en do majeur, D. 760 – Sacha Morin-
Franz Schubert (1797 – 1828) : Fantaisie à quatre mains en fa mineur, D. 940
Bella Schütz, 24 juillet 2025 à 20h
Ludwig van Beethoven (1770 – 1827) : Andante grazioso con moto en fa majeur WoO 57 ; Sonate n°6 en fa majeur, Op. 10 n° 2
Claude Debussy (1862 – 1918) : Images II
Fanny Mendelssohn (1805 – 1847) : Prélude en mi mineur
Robert Schumann (1810 – 1856) : Fantaisie op. 17