Si le diptyque qu’a concocté Takénori Némoto et son Ensemble Musica Nigella porte un titre générique Quand le diable frappe à la porte, ce sont les musiciens et les chanteurs qui nous frappent par l’idée audacieuse d’associer Offenbach et Schönberg. Initialement prévu du 5 au 13 mars au Théâtre de l’Athénée, le spectacle a été captée en vidéo au début mars. Deux dates, la répétition générale et la représentation, ont été ouvertes à une trentaine d’invités pour chaque séance. Nous avons assisté à la représentation qui a eu le 11 mars dans l’après-midi.
Transcriptions habiles de Takénori Némoto
Ces deux histoires sont construites autour de jeux d’amour ; l’un par intérêt, l’autre par jalousie. Réunies en diptyque, elles présentent chacune un monde, rural et urbain, avec les croyances qui reflètent leur époque.
Takénori Némoto, chef d’orchestre et fondateur de l’Ensemble Musica Nigella, part de l’idée de concentrer l’essence de Von Heute auf Morgen, en rehaussant la couleur. Fin transcripteur, il réécrit la musique de Schönberg pour cinq instrumentistes jouant douze instruments : flûte, piccolo, flûte en sol, clarinette, petite clarinette, clarinette basse, saxophone, violon, alto, violoncelle, piano, harmonium. Cette formation lui permet également, déclare-t-il, de traiter différemment la musique des Trois baisers du diable d’Offenbach en lui donnant une sonorité originale et moderne. En effet, sa partition richement colorée ne laisse pas imaginer un seul moment qu’il n’y a que cinq instrumentistes. Les couleurs sont originales comme il l’affirme ; l’écriture efficacement dépouillée permet de mettre en valeur différents timbres, que les musiciens rendent merveilleusement. Espiègle, Nemoto insère dans chaque pièce quelques extraits d’autres œuvres, en l’occurrence les parties orchestrales introductive et conclusive de l’ « Air des bijoux », extraits de Faust de Gounod, ainsi que quelques passages de L’Histoire du Soldat de Stravinsky dans Offenbach. Les deux derniers disques de l’Ensemble (Ravel et Chausson) proposent un large aperçu de ses idées et de son talent de réécriture.
La mise en scène et les éléments visuels dans le respect de l’univers et de l’époque
Les costumes d’Elisabeth de Sauverzac respectent l’époque de chaque intrigue et le milieu où vivent les personnages. Pour Offenbach, vêtements modestes de paysans du XIXe siècle et pour Schönberg, la dernière mode des années 1920. L’absence de la transposition temporelle des éléments visuels renforce davantage la modernité de la musique et c’est un pari gagné. La mise en scène d’Alma Terrasse, dépourvue de tout « excédent » d’accessoires et d’allusions, est limpide dans l’intention. L’enfant est représenté par un doudou en tissu blanc, et non une poupée réaliste, laissant ainsi les situations dans le domaine de la poésie. Quant à l’ombre de personnages derrière un écran transparent, elle évoque un parallélisme de deux univers différents évoqués dans chaque livret. Cela confère au diptyque une vision cinématographique. Les lumières subtiles d’Anne Poitevin participe pleinement au récit de ces histoires, ajoutant une touche encore davantage poétique.