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Grandes fresques musicales par London Symphony Orchestra

Antonio Pappano et Yuja Wang, entre virtuosité et puissance orchestrale à la Philharmonie de Paris

par Victoria Okada
London Symphony Orchestra

Un habitué de la Philharmonie de Paris, London Symphony Orchestra (LSO) revient en ce début de la saison avec son directeur musical Antonio Pappano. Le concert y a été donné dans le cadre d’une tournée mondiale avec la pianiste Yuja Wang. Ensemble, ils offrent un concert dense et haut en couleur.

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La grandiloquence orchestrale omniprésente dans Szymanowski

Pour ouvrir la soirée, l’Ouverture de concert op. 12 de Karol Szymanowski s’impose dès les premières mesures avec une grandeur éclatante, où l’ardeur brûlante de l’orchestre prend rapidement forme. Une densité orchestrale exceptionnelle se tisse, chaque instrument semblant ajouter une nouvelle couche de richesse sonore. La basse tellurique, profonde et vibrante, apporte un poids à la fois sombre et solennel, tandis que la brillance des cuivres et des percussions éclate à intervalles réguliers, perçant le tissu orchestral comme des éclats de lumière. On ne peut s’empêcher d’y percevoir une réminiscence de Richard Strauss, notamment de son Don Quichotte. Les dialogues orchestraux et la flamboyance narrative rappellent cette même capacité à raconter une histoire avec des notes. La grandiloquence est ici omniprésente, presque excessive. Elle participe à l’emphase dramatique d’une œuvre où le souffle épique côtoie le lyrisme, dans un équilibre instable où tout est dans l’excès.

 

Yuja Wang ou la recherche de variation constante

Dans le deuxième Concerto pour piano de Chopin avec Yuja Wang, l’expression orchestrale se révèle particulièrement articulée sous la direction d’Antonio Pappano, avec des accents marqués sur certaines phrases, comme si le chef tenait à dévoiler tous les détails orchestraux d’une partition pourtant centrée sur le piano. Peut-on le percevoir comme une sorte de face-à-face avec la fougueuse pianiste ? Celle-ci ne cesse de modeler son jeu en mettant en relief les voix secondaires, soulignant les contrastes et les nuances. D’une légèreté aérienne, elle peut se montrer délicate, avant de devenir brusquement combative, voire belliqueuse, insufflant à la partition une intensité dramatique inattendue. En bis, Wang offre une Valse op. 64 n° 2 de Chopin, où chaque apparition du motif thématique se pare d’une nouvelle interprétation. Que l’on y voie une ingéniosité musicale ou une quête parfois excessive de variation, la pianiste fait preuve d’une imagination inépuisable. Un second bis, le « Précipitato » de la Sonate n° 7 de Prokofiev, clôt la première partie du concert. La pièce semble faite sur mesure pour son jeu véhément et incisif. Ce choix met en lumière toute l’énergie virtuose et la fougue qui caractérisent son interprétation, concluant sur une note de tension électrisante.

 

Yuja Wang

Yuja Wang avec London Symphony Orchestra, 16 septembre 2024 à la Philharmonie de Paris © Charles d’Hérouville

 

Le Titan de Mahler : puissance, relief et minutie

Dans la deuxième partie entièrement consacrée à la première Symphonie de Mahler, dite Titan, l’œuvre devient sous la baguette d’Antonio Pappano une véritable fresque sonore, portée par une narration musicale riche en détails et en contrastes. Le premier mouvement se déploie comme une évocation pittoresque. Pappano y fait naître des images presque cinématographiques, en soignant chaque couleur orchestrale. Les bois, notamment, se détachent avec une clarté remarquable. Dans le deuxième mouvement, outre la vivacité joyeuse de la danse, on note quelque chose de nonchalant dans la partie centrale, tandis que l’ensemble de l’orchestre reste d’une grande précision, où chaque accent, piquant, semble tomber au bon moment pour renforcer la dynamique générale.

Dans une toute autre atmosphère au troisième mouvement, Pappano introduit la mélodie familière de Frère Jacques en mode mineur avec une lenteur assez marquée, avant de faire surgir une « turquerie » telle une réminiscence d’une époque lointaine. Les timbres acides de la clarinette, du hautbois et de la flûte évoquent un passé révolu avec une ironie mordante. Le chef s’attache ici à une lecture minutieuse, mettant en relief les contrastes et les nuances avec une précision quasi-microscopique. Dans le quatrième mouvement, c’est encore un autre univers. Cette finale triomphale déferle, comme pour balayer le passé. Pappano met en avant l’éclat des vents, magnifiant ces pupitres déjà brillants. Les cordes, généreuses et acérées, apportent un soutien indéfectible, donnant à l’ensemble une grandeur symphonique presque héroïque. Ici, sa direction semble renouer avec la dramaturgie opératique qui lui est chère. Tout est dans le contraste, avec des suspensions, relâchements et explosions.

 

Antonio Pappano

Antonio Pappano dirigeant London Symphony Orchestra, 16 septembre 2024 à la Philharmonie de Paris © Charles d’Hérouville

 

L’interprétation, brillante mais parfois trop méticuleuse, a conquis le public. Dès que la dernière note retentit, la salle éclate en un enthousiasme débordant.

 

Programme

Karol Szymanowski : Ouverture de concert op. 12
Frédéric Chopin : Concerto pour piano no 2
Gustav Mahler : Symphonie no 1 « Titan »
London Symphony Orchestra, Sir Antonio Pappano, direction
Yuja Wang, piano

Le 16 septembre 2024, Philharmonie de Paris

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