Notre dernier concert au Festival de Musique de Menton concerne un récital du pianiste polonais Rafał Blechacz. Vainqueur du 15e Concours Chopin de Varsovie et considéré comme le plus talentueux successeur de Krystian Zimerman, notre attente était grande. Sa prestation a-t-il répondu à cette attente ?
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Une tendance à se précipiter
Sur le parvis de la Basilique Saint-Michel Archange, le mardi 10 août, Rafał Blechacz apparaît pour un programme Bach (Partita n° 2), Beethoven (Sonate n° 5), Franck (Prélude, fugue et variations) et Chopin (Sonate n° 3). Dès Bach, il montre souvent une tendance à se précipiter dans des passages rapides, tout en maintenant tout de même le cap. Dans Bach et Franck, il utilise efficacement la pédale una corda pour une sonorité délicieusement douce et il différencie quelques plans sonores pour créer un bel effet polyphonique. Mais on remarque toujours la même tendance de faire « couler » les notes rapides, notamment dans le finale de la Sonate de Beethoven. La Sonate en si mineur de Chopin est la plus abouties du programme. Il est évident qu’il la connaît parfaitement pour l’avoir jouée des centaines de fois…
Pourtant, même dans l’œuvre de son héros national, le beau nocturne belcantiste du troisième mouvement manque de souffle, voire d’inspiration. Pour le grand finale, ses doigts savent le jouer merveilleusement, même si ici aussi, l’inspiration n’est pas tout à fait au rendez-vous. Dans l’ensemble de son récital, on ne peut pas se débarrasser d’une impression, forte, que une fatigue transparaît de son interprétation (est-elle due à la reprise récente après un long temps d’arrêt ?).
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Une Valse de Chopin élégante et intimiste
Mais il réserve le meilleur pour la fin. Ses jeux dans la Valse op. 64 n° 2, toujours de Chopin, en bis, sont remplis de délicates attentions. Deux motifs thématiques, dont chacun se répète à maintes reprises, ne sont jamais joués de la même manière ; ni le rythme, ni l’expression, ni l’agogique ni encore la dynamique ne sont jamais pareils. La partie centrale est marqué par une vocalité gracieuse, qui rend le retour aux thèmes initiaux encore plus mélancolique.
Sous le ciel nocturne sans lune, on quitte le parvis de la Basilique, ouvert à la mer méditerranée, avec le bonheur d’avoir entendu cette Valse élégante et intimiste.
Programme
Johann Sebastian Bach : Partita n°2 en do mineur, BWV 826
Ludwig van Beethoven : Sonate n°5 en do mineur, op.10
Cézar Franck : Prélude, fugue et variations en si mineur, op.18, FWV 30
Frédéric Chopin : Sonate n°3 en si mineur, op.58
10 août 2021 à 21h30, Parvis de la Basilique Saint-Michel Archange
Festival de Musique de Menton