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Concert de Gli Ingogniti et Amandine Beyer en direct du Théâtre des Abbesses

par Victoria Okada

Pour son premier concert en direct sur sa chaîne YouTube, le 14 mars 2021 à 14h30, le Théâtre des Abbesses (Théâtre de la Ville, Paris) a choisi de transmettre des œuvres concertantes de Johann Sebastian Bach interprétées par Amandine Beyer et l’ensemble Gli Incogniti.
Amandine Beyer est l’une des figures à la fois les plus attendues et inattendues de la scène baroque de nos jours. Attendue, car à chaque apparition elle suscite une admiration par son jeu hautement inspiré ; inattendue car elle propose une interprétation que personne ne peut imiter, irriguée par une liberté surprenante tout en respectant le style avec grande finesse. C’est avec joie et impatience que les mélomanes attendaient ce concert, d’autant que depuis le début du confinement, l’occasion de l’entendre devenait très rare.

Entretien avec Amandine Beyer en avant-concert

Avant-concert avec Amandine Beyer © Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville

Avant de passer au concert, on assiste à un entretien avec Amandine Beyer. La première question se porte à l’origine du nom de l’ensemble : Gli Incogniti. Ce nom vient de l’Accademia degli Incogniti, « l’un des cercles artistique et académique les plus actifs et libertaires du XVIIe siècle à Venise » (selon le site de l’ensemble). Une académie où on venait masqués, sans clivage social, dénués de toute distinction. L’auditeur pense forcément au masque avec lequel nous devons vivre. Elle évoque un autre nom, celui initialement pensé, Gli Erranti, un clin d’œil sur la situation des musiciens, cette fois en temps normal, celle de voyage en permanence.
Les voyages empêchés, la violoniste livre sa volonté de se soulever et de soulever ceux qui l’entourent grâce à la musique.
Aujourd’hui, elle franchit le seuil d’un espace inconnu : aller à l’inconnu en s’invitant via internet dans l’intimité des gens. Elle retrouvant ses collègues pour la première fois depuis longtemps et joue ainsi pour la première fois devant les caméras. L’instant est suspendu et unique. En effet, contrairement à beaucoup d’autres transmissions en streaming, ce concert n’aura pas de replay, il est comme un vrai concert, une rencontre unique !

Œuvres concertantes de Johann Sebastian Bach

Le concert commence par le Concerto pour hautbois d’amour BWV 1055R. Pour sa beauté, notamment du mouvement lent, cette transcription du Concerto n° 4 pour clavier (ou pour théorbe) en la majeur BWV 1055 est aussi célèbre que sous sa forme originelle. Grâce à son souffle ample et sa sonorité chaleureuse, Antoine Torunczyk offre une interprétation à la fois fraiche et sensuelle. Dans le Concerto pour violon et hautbois en ut mineur BWV 1060R (transcription du Concerto pour deux claviers), il dialogue merveilleusement avec le violon d’Amandine Beyer. L’expiration poétique du hautbois et la vivacité souple de l’archet se répondent mutuellement. Les deux instruments étant proches de la voix humaine, c’est l’aspect « parlé » d’échange qui prévaut, telles des répliques d’acteurs. Les autres instruments n’en sont pas moins chantants, tout comme dans le Concerto brandebourgeois n° 5, dont le caractère joyeux est particulièrement mis en avant. En effet, la joie des musiciens de s’être retrouvés transparaît dans l’interprétation, la légèreté bondissante des mouvements rapides en est l’illustration éloquente. La longue cadence de l’ « Allegro » initial est magistralement servie par Anna Fontana. Elle ne se contente pas de sa virtuosité époustouflante mais insuffle l’âme à chaque phrasé comme un conteur donne le sens à chaque mot. Quant au mouvement médian « Affettuoso », l’élégance affectueuse de Manuel Granatiero au traverso est un pur plaisir à l’oreille.
Amandine Beyer vient parfaire toutes ces œuvres avec ses touches toujours vivifiantes et naturelles. En solo, dans le Concerto pour violon en la mineur, elle fait montre d’un incroyable élan, grâce, toujours, à l’étonnante élasticité du son. Les notes parcourent librement sur les cordes comme des lutins espiègles, mais ces lutins sont parfaitement ordonnés dans leurs mouvements. Et c’est là, la magie du violon d’Amandine Beyer, libre et stylé.
Cette diffusion, dont le son numérique ne transmet évidemment pas les vraies vibrations sur place, fait malgré tout ressentir cette vibration, gage de la grande qualité du concert. Alors, on ne pense qu’à une seule chose : retrouver les musiciens dans nos salles de concert préférées et les applaudir à tout rompre !

Captures d’écran du concert

Programme

Johann Sebastian Bach (1685-1750) :
Concerto pour hautbois d’amore BWV 1055R Allegro • Larghetto • Allegro ma non tanto
Concerto pour violon en la mineur BWV 1041 [sans indication] • Andante • Allegro assai
Concerto pour violon et hautbois en ut mineur BWV 1060R Allegro • Adagio • Allegro
Concerto brandebourgeois en ré majeur BWV 1050 Allegro • Affettuoso • Allegro

GLI INCOGNITI, Amandine Beyer, violon solo et direction
Manuel Granatiero, traverso
Antoine Torunczyk, hautbois
Alba Roca, Vadym Makarenko, violons
Marta Paramo, alto Marco Ceccato, violoncelle
Baldomero Barciela, violone
Anna Fontana, clavecin

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