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La Reine des Neiges par le Ballet National d’Ukraine

Féérie de fin d'année au Théâtre des Champs-Elysées

par Victoria Okada
La Reine des Neiges

Le Théâtre des Champs-Élysées propose pour son spectacle de fin d’année une œuvre portée par le Ballet National d’Ukraine : La Reine des Neiges, dans une chorégraphie signée Aniko Rekhviashvili. Inspiré du célèbre conte d’Andersen (1844), ce ballet, créé en 2016, devait initialement être présenté dans ce même théâtre parisien en 2022. Cependant, la guerre avec la Russie n’a pas permis de monter cette œuvre et la troupe a été obligée de remplacer in extremis par Giselle. La performance de la troupe ukrainienne est éblouissante malgré les conditions de préparation et de répétition que l’on peut facilement imaginer extrêmement difficiles. Les danseuses et danseurs offrent une véritable féérie, déployant une énergie remarquable pour transmettre un message puissant : la lumière de la beauté et de l’amour triomphe toujours de l’obscurité.

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La Reine des neiges, un ballet lisible d’après le conte d’Andersen

Le ballet, structuré en deux actes, se distingue par sa clarté narrative. Le synopsis, bien connu grâce aux nombreuses adaptations du conte, notamment celle de Walt Disney, guide les spectateurs à travers une histoire riche en émotions. En hiver, les enfants jouent joyeusement dans la patinoire de la ville. Mais un jour, Gerda part à la recherche de Kaï, qui a reçu d’un éclat du miroir brisé par la reine des Nneiges. Ce fragment magique a le pouvoir de rendre le cœur aussi froid que la glace. Au fil de son périple, Gerda traverse un jardin magique dans ses rêves, est accueillie dans le royaume des fées, rencontre les brigands dans la forêt et atteint finalement le domaine glacial de la reine des neiges. Kaï s’apprête à être couronné pour régner éternellement dans ce royaume. Mais une chaude larme de Gerda parvient à faire fondre le cœur gelé de Kaï, rompant ainsi l’emprise maléfique.
La lisibilité du ballet repose également sur les codes et la structure propre au ballet classique : pantomimes, pas de deux, variations, danses de caractère, chorégraphies de groupe… sans oublier des mouvements comiques, qui apportent une touche de légèreté et d’accessibilité au spectacle.

 

La Reine des Neiges

Premier acte : narration mimée dans les décors nostalgiques

Dans le premier acte, l’alternance entre les scènes de la ville et celles mettant en scène la reine des neiges et ses trolls, évoquant un procédé cinématographique, rend la situation particulièrement compréhensible. Les décors (Stanislav Petrovskyi), représentant des vues de maisons à la fois extérieures et intérieures dans un style qui rappelle une carte de Noël, éveillent une douce nostalgie chez les spectateurs adultes.
Des projections vidéo enrichissent efficacement certaines scènes clés : celle du miroir brisé, celle où Kaï reçoit un fragment de ce miroir, ainsi que la place de l’hôtel de ville recouverte de neige qui tombe doucement. Dans les premiers tableaux, la pantomime narrative joue un rôle aussi important que la danse, contrairement au deuxième acte, où la danse prend le dessus.
Cependant, l’intelligibilité narrative s’atténue légèrement vers la fin de l’acte, lorsque Gerda, épuisée par sa quête de Kaï, sombre dans le sommeil et rêve d’un jardin magique. La chorégraphie ne met pas suffisamment en avant la cause de cet endormissement, ni d’ailleurs l’endormissement lui-même, ce qui rend l’apparition du jardin enchanté et de ses créatures fantastiques un peu moins évidente. Malgré tout, cette séquence sert principalement de contexte pour introduire diverses danses, solos et collectives. Sous de somptueux costumes colorés (Natalia Kucheria), et de douces  lumières (Igor Samarets) ces moments émerveillent le public et captivent les regards.

 

La Reine des Neiges

Deuxième acte : de l’amitié à l’amour dans une chorégraphie aux codes traditionnels

Le voyage de Gerda à la recherche de son ami Kaï se poursuit dans le deuxième acte. Le palais des fées, avec ses scènes féériques, sert de prétexte pour présenter des danses d’une grande élégance, directement inspirées de la tradition de Marius Petipa. Par la suite, Gerda traverse la forêt et rencontre les brigands. Leurs danses, empreintes de vigueur et enrichies d’éléments folkloriques, offrent un spectacle saisissant, créant un contraste frappant avec la grâce de la scène précédente.
Lorsque Gerda atteint le royaume des neiges, la danse de Kaï, marquée par ses pirouettes et ses sauts dynamiques, capte l’attention, tandis que la pantomime reprend un rôle central, notamment pour la reine des neiges. Fidèle à son statut imposant et autoritaire, celle-ci se déplace avec une retenue majestueuse, sans parcourir la scène de long en large. La scène finale illustre avec force l’amour qui unit désormais Gerda et Kaï, alors que leur lien initial se limitait à une simple amitié au début du ballet.

 

Performance remarquable des danseurs

Tetiana Lozova réalise une performance remarquable dans le rôle de Gerda, assumant avec brio un véritable marathon de 2 heures 30. Son personnage est presque constamment sur scène, et même si elle ne danse pas en permanence, sa présence exige une rigueur absolue, à laquelle elle répond admirablement. Yaroslav Tkachuk incarne un Kaï énergique et vigoureux, apportant une intensité palpable à chacune de ses apparitions. Quant à Iryna Borysova, son regard froid et ses gestes secs incarnent bien la reine dominatrice.

 

La Reine des Neiges

Patchwork musical pleinement réussi

L’Orchestre Prométhée, dirigé avec expressivité par Gergii Golubnychyi, accompagne brillamment les danseurs, sublimant le patchwork musical imaginé par Oleksky Baklan et Victor Ishchuk. Les choix musicaux, mêlant pièces orchestrales et extraits d’opéras, illustrent parfaitement les différentes scènes du ballet. Parmi les compositeurs à l’honneur figurent J. Strauss, Massenet, Berlioz, Waldteufel, et surtout Augusta Holmès, dont la musique occupe une place de choix dans la dernière partie du spectacle. Le programme inclut également des musiques de scène et de ballets d’opéra, telles que La Gioconda de Ponchielli, Cavalleria Rusticana de Mascagni, Peer Gynt de Grieg, Le Papillon d’Offenbach et Le Cid de Massenet. Cette sélection variée enrichit l’expérience sensorielle, offrant une profondeur musicale qui dialogue harmonieusement avec la danse.

Ainsi, La Reine des Neiges par le Ballet national d’Ukraine se présente non seulement comme un conte chorégraphique fluide et envoûtant pour les yeux, mais également comme un véritable pot-pourri de sublimes partitions orchestrales, offrant un beau concert pour les oreilles.

 

Distribution :

LA REINE DES NEIGES : IRYNA BORYSOVA
KAI : YAROSLAV TKACHUK
GERDA : TETIANA LOZOVA
LA PRINCESSE : MARIIA KIRSANOVA
LE PRINCE : OLEKSII SHVYDKYI
LA PETITE VOLEUSE : KATERYNA DIDENKO
LE VOLEUR : MYKYTA KAIGORODOV
LE CORBEAU : IVAN AVDIJEVSKYI
LA CORNEILLE : OLENA KARANDIEIEVA
LE TROLL : DENYS TURCHAK
LA MAITRESSE DU JARDIN SECRET : OLESIA VOROTNIUK
LA GRAND MÈRE : NATALIA YAKYMCHUK

Représentation du 26 décembre 2024, Paris, Théâtre des Champs-Elysées

Photos © Ksenia Orlova

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