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Jonathan Fournel classique et original dans Mozart

L’Orchestre de Chambre de Paris sous la direction de Thomas Dausgaard

par Victoria Okada
Jonathan Fournel avec l'Orchestre de Chambre de Paris, Paris, 2023

Le pianiste français Jonathan Fournel marque une apparition parisienne encore rare avec l’Orchestre de Chambre de Paris dont le programme est souvent marqué par l’éclectisme. Le 11 janvier au Théâtre des Champs-Elysées, Thomas Dausgaard dirige pour la première fois cette formation mozartienne.

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Dans un discours naturel, des cadences offensives

Avouons-le d’emblée, nous nous sommes rendus à l’Avenue Montaigne pour écouter Jonathan Fournel, le premier prix du Concours Reine Elisabeth en 2021. Malgré son succès international grâce à cette distinction, son apparition parisienne encore rare motive pour inscrire son concert dans l’agenda.
Ce mercredi, il joue le 18e Concerto de Mozart. À l’instar de Pulcinella de Stravinsky et du Bourgeois Gentilhomme de Richard Strauss dans le même programme, l’orchestre reste « moderne » ; le son est lisse, les phrasés sont parfois presque romantiques. C’est un dilemme pour les oreilles désormais habituées à une approche « historiquement informée » (même si le terme est trompeur), qui attendent un son plus corsé et des phrasés à la fois plus articulés et plus légers.
Au début de l’œuvre, avant l’entrée du piano, quelque appréhension nous occupe donc l’esprit : et si le piano moderne renforçait ce côté lisse, policé ?
Heureusement, les premières mesures au piano, nobles et gracieuses, dissipent la crainte. Son discours naturel avec des notes perlées, sonne comme une confidence. L’expression est intime, mais clair. Elle est également dominée par un lyrisme poétique (Andante). Mais arrivée à la cadence, aussi bien dans le 1er mouvement que dans le dernier, il provoque un léger choc : il passe d’un univers classique de Mozart à celui exubérant de Liszt. En solo, il affirme sa virtuosité, devenant plus « offensif ». Le son change aussi, il est plus affirmatif et même agressif à quelques moments. Le pianiste semble montrer sa volonté de sortir d’un cadre, cependant, il ne déforme nullement la musique de Mozart… Ainsi, il réussit avec brio à concilier les deux caractères opposés.

 

 

Une poésie méditative dans Franck

Pour le bis, assis devant le piano, Jonathan Fournel prend le temps pour décider la pièce à jouer. Son choix est arrêté au Prélude de Prélude, Fugue et Variations op. 18 de César Franck. On savoure de nouveau sa sonorité cristalline et ses phrasés délicats, cette fois-ci avec un brin de nostalgie. Est-ce un hommage à la Belgique, le pays natal de Franck et où le pianiste a perfectionné son art à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth ? Ou est-ce sa propre nostalgie pour le concours portant le même nom de la Reine ? La nostalgie se mue en une poésie méditative et c’est sur cette note qu’il quitte la scène.

 

Thomas Dausgaard avec Orchestre de Chambre de Paris, janvier 2023

Thomas Dausgaard dirige l’Orchestre de Chambre de Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 11 janvier 2023 © Joachim Bertrand

 

Thomas Dausgaard façonne les textures sonores

Au début du concert, l’Orchestre interprète Pulcinella sous la direction… ou plutôt la non direction de Thomas Dausgaard. En effet, il laisse les musiciens jouer, probablement pour marquer sa confiance. Les caractères folkloriques sont bien accentués, notamment dans le menuet où les battements de mesures sur les cordes en deviennent un élément à part entière.
Si, dans Mozart, l’orchestre ne dénotait malheureusement pas autant de clarté d’idée que le pianiste, étant même flou à maints endroits, il est vivifiant dans Le Bourgeois gentilhomme, modelé davantage par le chef. Dans cette suite orchestrale (1920) écrite en transformant une musique de scène (1912), Strauss propose, comme à l’accoutumée, une pâte sonore épaisse. Ce, y compris lorsque le compositeur garde de manière assez transparente la partition de Lully (Entrée de Cléonte). Malgré la taille « mozartienne » de l’orchestre, adaptée plutôt à la musique de scène, le chef réussit à façonner des textures orchestrales variées, des solos et des duos jusqu’aux tutti.
Une évidence se dégage à la fin de la soirée : Thomas Dausgaard excelle dans un répertoire pour un grand orchestre post-romantique. Pour le reste, nous sommes hâte de le voir diriger d’autres formations dans de nombreux autres œuvres, notamment des symphonies et opéras.

 

Orchestre de Chambre de Paris, janvier 2023

Orchestre de Chambre de Paris sous la direction de Thomas Dausgaard, Théâtre des Champs-Elysées, 11 janvier 2023 © Joachim Bertrand

 

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Programme

Igor STRAVINSKY Pulcinella, suite pour orchestre, HH36
Wolfgang Amadeus MOZART Concerto pour piano no 18 en si bémol majeur, K.456
Richard STRAUSS Le Bourgeois gentilhomme, suite pour orchestre, op. 60b

Thomas Dausgaard : direction
Jonathan Fournel : piano
Orchestre de chambre de Paris

Le 11 janvier 2023 à 20h, au Théâtre des Champs-Elysées

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