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Les Symphonies aériennes de Schubert par Christophe Rousset

Les Talents Lyrique au Théâtre du Châtelet

par Victoria Okada
Les Talents Lyriques jouant Schubert au Châtelet, janvier 2023 © David Blondin

Au Théâtre du Châtelet, Christophe Rousset et Les Talens Lyriques viennent de donner l’intégrale des symphonies de Schubert en trois concerts. Au fil des huit symphonies, ils ont montré une vision aérienne partant de leur époque de prédilection : la période baroque.

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Il y a un an, Christophe Rousset et Les Talens Lyriques ont donné au Théâtre du Châtelet l’intégrale des symphonies de Beethoven sous une restriction sanitaire encore en vigueur. L’institution parisienne leur propose cette fois une intégrale des Symphonies de Schubert. Le chef s’attaque à l’univers schubertien avec un orchestre aux instruments d’époque.
La Sonorité corsée de cuivres naturels associés et les cordes de boyau font toujours un effet. On peut aujourd’hui difficilement concevoir une interprétation de répertoire « ancien » sans instruments d’époque, mais des œuvres classiques et romantiques réservent encore de beaux terrains à explorer. Avec son orchestre, Christophe Rousset s’est prêté à ce jeu, à l’instar de Nikolaus Harnoncourt, de René Jacobs, de Philippe Herreweghe, de Jos van Immerseel, ou encore de Marc Minkowski.

Tempo vif et transparence

Christophe Rousset dans Schubert au Châtelet © David Blondin

Christophe Rousset dirigeant les Symphonies de Schubert au Théâtre du Châtelet © David Blondin

La version des Talens Lyriques est fortement marquée par un tempo vif, notamment dans les mouvements d’« Andante ». En effet, le chef semble prendre cette indication au sens premier, « allant », jusqu’à rejoindre le « Tempo di Marcia ». Les « Menuets » offrent toujours un tempo alerte, les indications « Allegro », « Vivace », « Allegro vivace » ou « Allegro molto » respectées dans son caractère plutôt que dans la vitesse. Ce choix illustre le point de départ de l’interprétation. Ici, on ne reconnaît une seule ombre de la grandiloquence, héritière de la tradition post-romantique qui perdurait d’ailleurs jusqu’aux années 70 voire 80 du siècle dernier *. Au contraire, Christophe Rousset opte pour la transparence. Aériens, tous les pupitres contribuent à un plan sonore net, jusqu’aux timbales sémillantes. Il ne revient pas vers Schubert par le prisme de Wagner, ni de Mahler. Ainsi, la musique est perméable même dans une formation plus étoffée pour « La Grande ». Dans l’introduction et la coda finale, ainsi que l’« Andante » de l’ultime symphonie, il prend du temps pour donner plus de consistance, comme pour marquer l’ouverture d’une nouvelle esthétique. Tout cela donne une grande vivacité à l’ensemble des huit œuvres. Toutefois, le tempo rapide balaye parfois des détails dont on a envie de goûter plus posément, notamment dans des « Menuets » où on ne distingue guère le trio du menuet.

Hommage à Mozart et à Beethoven

Sous la direction sans baguette de Christophe Rousset, les œuvres de Schubert apparaissent comme un hommage à Mozart et à la première période Beethoven. Dans le dernier mouvement de la Symphonie n° 3, le chef souligne le motif rythmique (trois croches et une noire), rappelant le procédé cher à Beethoven. L’introduction lente quasi systématique évoque souvent les deux premières Symphonies — surtout la deuxième — de Beethoven. Côté Mozart, il est frappant d’entendre dans la Première Symphonie de Schubert une sorte de réminiscence de la n° 36 Symphonie « Linz » de Mozart. Dans l’introduction de la « Tragique », on s’est volontiers laissé emporter par le caractère sombre et prémonitoire de l’ouverture de Don Giovanni. Le « Menuet » du Cinquième Symphonie semble synthétiser Mozart et Beethoven, à la fois par sa légèreté rythmique et par sa gravité des propos. Ces références nous traversent immédiatement l’esprit comme guidées par la volonté du chef : placer cette série dans la continuité de l’intégrale de Beethoven de l’an passé. Sur ce socle, le cantabile au caractère vocal est pleinement mis en avant, comme dans l’« Andante » de la Deuxième et la Cinquième Symphonie. Ici, les cordes à la sonorité boisée font une merveilleuse affaire, enrichies par les interventions ponctuelles des petites harmonies aux caractères tour à tour doux, relevé ou franc.

À travers les symphonies de Schubert, Christophe Rousset pose son regard baroque vers le futur, apportant une fraîcheur à ce répertoire encore souvent interprété avec du romantisme exacerbé.

Les Talents Lyriques dans au Châtelet, 29 janvier 2023 © Victoria Okada

Les Talents Lyriques dans les Symphonies de Schubert au Théâtre du Châtelet, 29 janvier 2023 © Victoria Okada

 

* À titre de comparaison entre la version « post-romantique » et celle aux instruments d’époque, écouter la symphonie n° 5 dans la version de Karl Bohm et Wiener Philharmoniker en 1954 et dans celle de Frans Bruggen avec Orchestra of the 18th century (parution en 1996) ou de Marc Minkowski avec Les Musiciens du Louvre (parution en 2012)

Programme

Franz Schubert (1797-1828) : Intégrale des symphonies

27 janvier 2023
Symphonie nº 6, en do majeur, D 589 (1817-1818)
Symphonie nº 2, en si bémol majeur, D 125 (1814-1815)
Symphonie nº 4, en do mineur « tragique », D 417 (1816)

29 janvier 2023
Symphonie nº 1, en ré majeur, D 82 (1813)
Symphonie nº 3, en ré majeur, D 200 (1815)
Symphonie nº 8, en si mineur « inachevée », D 759 (1822)

31 janvier 2023
Symphonie nº 5, en si bémol majeur, D 485 (1816)
Symphonie nº 9, en do majeur, « la grande », D 944 (1825-1828 ?)

Les Talens Lyriques
Christophe Rousset,  Direction

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