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Lille Piano(s) Festival #2

Benjamin Grosvenor hors pair

par Victoria Okada

Lille Piano(s) Festival organisé par l’Orchestre National de Lille, a eu lieu du 10 au 12 juin, en accueillant plus de 70 artistes et 3 orchestres en 40 concerts, sous le double thème de Bartók et « Espagnes ».
Parmi tous les concerts, le récital du pianiste britannique Benjamin Grosvenor s’est démarqué par le degré de perfectionnement et la diversité d’expressions. 

Lisez notre compte-rendu des concertos.

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Chaque récital de Benjamin Grosvenor est un événement. Capable d’étonner le public, il crée toujours des suspens en proposant des interprétations jamais figées. Il commence par Prélude, Choral et Fugue de César Franck qui évoque fortement l’orgue tant pour les plans sonores que pour la dimension structurelle, dans une envergure quasi symphonique. Il semble profiter pleinement des possibilités du nouveau modèle du piano Yamaha CFX, pour faire ressortir chaque motif et ses variations. L’œuvre, de prime abord austère, devient ainsi colorée, mais ce n’est pas les couleurs ibériques comme on va entendre par la suite ; c’est bien les couleurs de différentes registrations de l’instrument-roi.

Benjamin Grosvenor, 11 juin 2022 au Nouveau Siècle, Lille © Ugo Ponte-ONL

Dans le premier cahier d’Ibéria d’Isaac Albeniz, ce sont donc les couleurs chaudes, avec infinies nuances de rouges, d’orangés, de jaunes, et quelques fois de l’or. Dans ces pièces hautement virtuoses, les accents sont très prononcés et toutes les figures sont expressives. Tout cela dans des changements constants d’humeur et de caractère dans un naturel absolu, sans aucun artifice. Parmi les trois pièces du cahier, le pittoresque du Corpus Christi en Sevilla nous impressionne le plus. D’abord, il marque le rythme de manière extrêmement régulier dans la première partie, puis, lorsque la procession suscite l’excitation du badaud, Grosvenor se libère l’énergie pour planer au-dessus de ces spectateurs en état d’extase dévotionnelle. Le retour au calme se fait avec liberté mais solennel, à l’opposé du rythme quasi militaire du début. Puis, la reprise de la procession, ensuite, une nouvelle excitation encore plus forte. À partir de Vivo à 3/8, c’est la folie ; au bout d’un crescendo éblouissant voire étourdissant, poussé au paroxysme, Grosvenor nous réserve le plus spectaculaire : cet Andante avec un véritable effet de cloches introspectives. L’opposition entre l’engouement et le recueillement est absolument saisissante. Son interprétation est quasi cinématographique, tout comme La Valse de Maurice Ravel qui va clore son récital.

Mais auparavant, il ne manque pas de donner davantage de rythme avec les Trois Danses argentines d’Alberto Ginastera. Les première et troisième pièces sont vivantes à souhait alors que la deuxième est évocatrice et nostalgique. Les grouillements qui traversent la troisième pièce, la Danza del gaucho matrero, s’apprêtent à ceux du début de La Valse. Voilà une formidable transition. Les Jeux d’eau du même Ravel, en bis, sont d’une légèreté scintillante et rafraîchissante mais surtout, c’est la facilité déconcertante de son jeu qui marque l’esprit.

Nous sortons de la salle, frappés par son pianisme hors pair.

Programme

César Franck : Prélude, Choral et Fugue
Isaac Albéniz : Iberia, premier cahier
Alberto Ginastera : Trois Danses argentines
Maurice Ravel : La Valse

Benjamin Grosvenor, piano

11 juin 2022 à 18 heures, Nouveau Siècle, Lille

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