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Sergio Tiempo fait démonstration de son rythme inné

Retour du pianiste vénézuélo-argentin à La Roque d'Anthéron

par Victoria Okada

Le pianiste vénézuélo-argentin Sergio Tiempo, qui reste encore discret en France, a fait un retour remarqué le 6 août au Festival international de piano La Roque d’Anthéron, où il n’était pas réapparu depuis une quinzaine d’années après un passage aux côtés de Martha Argerich. Sur la scène en plein air du Parc de Florans, il a présenté un programme « concert famille » aux sonorités chaleureuses de l’Amérique du Sud.

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Ce début de soirée, la chaleur était accablante, au point qu’un régisseur installe un ventilateur près du clavier juste avant le début du récital. Il n’est pas encore l’heure où se lève la brise nocturne. Est-ce un symbole de son concert qui ressemble à une invitation à un voyage dansant et haut en couleur ?

Sergio TIEMPO, Festival international de piano La Roque d’Anthéron, 6 août 2024 © Pierre MORALES 2024

 

Quand Chopin Rencontre la Passion Sud-Américaine

Le récital a débuté par la 3e Sonate de Chopin, une œuvre qui semblait à première vue détonner dans un programme centré sur des compositeurs latino-américains. Pourtant, Tiempo en a livré une interprétation passionnée et singulière, marquée par une conception du temps unique. Par exemple, le rubato, si caractéristique de Chopin, prenait ici une toute autre dimension. Sous les doigts de Tiempo, il ne s’agissait pas simplement d’une subtile oscillation du tempo entre les deux mains, mais d’une organisation temporelle insaisissable, avec un flux de notes presque massif et des micro-variations rythmiques, tout en conservant une parfaite cohérence. Il a su donner à chaque note une vie propre, notamment dans le troisième mouvement, où il a choisi une lenteur audacieuse avant de terminer sur un final qui devient un terrain d’exploration où la vitesse et l’énergie jaillissent abondamment, jusqu’au point où les notes déferlent dangereusement. Mais le capitaine de navire tient vigoureusement la barre, offrant au public une conclusion éblouissante.

Technique unique

Sur le plan technique, Tiempo a impressionné par son approche originale du piano. En maintenant ses poignets élevés, il laissait ses doigts retomber sur les touches avec une force contrôlée, produisant un son direct, dense et presque dur. Cette technique, qui donnait à Chopin une texture inattendue, épaisse et intense, a trouvé une résonance parfaite et évidente dans les pièces latino-américaines, comme le Joropo de Moisés Moleiro, où les attaques percussives se mariaient idéalement au rythme vif de la composition.

 

Sergio TIEMPO, Festival international de piano La Roque d’Anthéron, 6 août 2024 © Pierre MORALES 2024

 

Esprit de danse

Tiempo a également rappelé l’influence de Chopin chez les compositeurs sud-américaines, notamment avec Retarto em Branco e Preto d’Antonio Carlos Jobim, basé sur un motif de l’Étude op. 10 n° 6 en mi bémol majeur du compositeur polonais. D’ailleurs, avant de jouer, le pianiste (qui l’a arrangé pour piano solo) prend brièvement la parole pour commenter l’œuvre.

Vidéo de référence : Retrato em Branco e Preto

(Dans cet arrangement avec cuivres, la formule à la main gauche de l’étude de Chopin est bien reconnaissable.)

Il poursuit avec des œuvres d’Astor Piazzolla, dont Muerte del Ángel et la célèbre Fuga y misterio, qu’il a soigneusement arrangées pour piano solo. Enfin, il interprète ensuite quatre extraits très variés d’A prole do bebê de Heitor Villa-Lobos (1887-1959). Parmi eux, O Polichinelo, souvent joué en bis par de grands pianistes tels que Rubinstein ou Barenboïm, prend ici une toute autre dimension. Le sens rythmique de Tiempo révèle cette pièce sous un angle nouveau, non seulement par une virtuosité époustouflante, mais aussi en l’inscrivant dans un contexte dansant. À la fin, Sergio Tiempo enflamme la scène avec Malambo, la danse finale d’Estancia d’Alberto Ginastera. L’ostinato rythmique est si puissamment mis en valeur que certaines personnes, y compris des enfants, déjà emportées par le rythme, se mettent à danser sur leurs sièges !

Retour à Chopin pour un bis, le Nocturne n° 4 en fa majeur op. 15 n° 1, puis, après une accalmie chopinienne, on repart avec le rythme dans Danza del gaucho matrero (extrait des Danses Argentines Op. 2) de Ginestera, pour terminer en bonne humeur solaire.

Programme

Chopin : Sonate n°3 en si mineur opus 58
Moleiro : Joropo
Piazzolla/Tiempo : Fuga y misterio, Muerte del Ángel
Jobim/Tiempo : Retrato em Branco e Preto
Villa-Lobos : A prole do bebê, extraits
1. Branquinha
2. Moreninha
7. O Polichinelo
6. A Pobrezinha
Ginastera : Malambo

Bis :
Chopin : Nocturne en fa majeur No. 4, Op. 15
Ginestera : Danses Argentines Op. 2, Danza del gaucho matrero

 

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