Pour sa 72e édition, bien que la programmation soit encore réduite, le Festival de Musique de Menton invite des musiciens de renom et des jeunes artistes. Alexandre Tharaud et le Quatuor Arod, William Christie et Théotime Langlois de Swarte, Nemanja Radulovic et Les Trilles du Diable, Renaud Capuçon et Bertrand Chamayou, l’Ensemble Cappella Mediterranea dirigé par Leonardo García Alarcón… ont défilé sur le parvis de la Basilique Saint-Michel Archange.
Mais les vrais trésors de ce Festival sont, à notre sens, des artistes que l’on entend assez rarement en France. Nous avons eu la chance d’écouter le duo Alexander Chaushian (violoncelle) et Vahan Mardirossian (piano), le Aquinas Piano Trio et le pianiste polonais Rafał Blechacz.
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La tension poignante au violoncelle de Alexander Chaushian
Le lundi 9 août à 18 heures au Palais de l’Europe, la température est loin de tomber et le taux d’humidité reste très élevé. Avec le pianiste Vahan Mardirossian, Alexander Chaushian entre sur scène pour jouer sur un violoncelle qui n’a que trois mois. Le nouvel instrument a un son long et large, Chaushian le manie comme s’il le connaissait depuis des années. Le violoncelliste nous impressionne avec un lyrisme à la fois exacerbé et robuste, comme pour exprimer des sentiments inénarrables. Dans la Sonate en ré mineur op. 40 de Chostakovitch, la tension qu’il crée dans des pianissimi, surtout dans les moments lents, nous fait tendre l’oreille tellement c’est poignant.
Le piano de Vahan Mardirossian solidement ancré dans la terre
Une grande profondeur se dégage des autres pianissimi dans la Sonate pour violon et piano de Franck transcrite pour violoncelle. Ici, c’est la sensation de se planer dans un monde irréel qu’il nous offre. Aussi jeune que le violoncelle, le piano, qui a été inauguré seulement une dizaine de jours auparavant au Festival, a des aigus encore assez métalliques qui vont bien avec la musique de Chostakovitch. Vahan Mardirossian (également chef d’orchestre, directeur musical de l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie), s’il est lyrique lui aussi, il n’est en aucun cas un sentimental. Son interprétation est solidement ancrée dans « la terre ». Ainsi, même au moment des envolées, on sent un enracinement. Le « Recitativo-Fantasia » de la Sonate de Franck en est un exemple parfait. Une méditation profonde, sensible, introspective, parfois même douloureuse, trouve la raison d’être de leur interprétation dans cet ancrage. Ils proposent ensemble un lyrisme terrien qui n’est toutefois pas dépourvu de grand élan poétique.
Cet élan, notamment dans le deuxième mouvement de Franck, nous l’avons pu expérimenter deux fois. En effet, à cause de l’humidité, mais aussi de l’élan (justement !) dans le geste, l’archet a « volé » vers la fin de cet Allegro — le fait que le pianiste rappelle avec l’humour : « Nous vous avons montré la technique de l’archet volé ! » —, et ils l’ont rejoué en bis, dans une ardeur fiévreuse.
Programme
Dmitri Chostakovitch : Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur, op.40
Cézar Franck : Sonate pour violon et piano en La Majeur (transcription), FWV.8
Serguei Rachmaninov : Vocalise
Lundi 9 août à 18h, Palais de l’Europe
Festival de Musique de Menton