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La Belle Hélène change de caractère à Lille

par Victoria Okada

* Cet article comprend 2 pages

Les traditionnelles « nuits d’été » égaient la fin de la saison de l’Orchestre national de Lille. Cette année très particulière, c’est La Belle Hélène de Offenbach qui était à l’affiche pour terminer joyeusement l’année. Après un succès de Carmen en 2018, efficacement déployée sur toute la scène (y compris l’arrière-scène) avec des commentaires piquants d’Alex Vizorek, nous attendions quelque chose de bien relevé. La réalité est que, malgré le plateau vocal réjouissant, le spectacle était malheureusement assez décevant.

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Textes trop longs pour maintenir le bon rythme

Pour cette production, Lionel Rougerie a réécrit certains textes, en faisant intervenir Vénus (absente mais évoquée dans le livret originel). Avant même l’ouverture, Vénus (Léna Dangréaux) livre un long monologue qui, à un moment donné, fait décrocher l’attention ; nous voulons que l’opéra s’ouvre avec son ouverture ! L’hydroxychloroquine dans le jeu de charade dans l’acte II, ainsi que les noms d’Eric Zemmour et de Michel Onfray, avec trop de connotations politiques controversées, ne font pas rire. Le livret de Meilhac et Halévy est certes une critique du Second Empire par de nombreuses allusions politiques déguisées sous le rire (c’est avant tout un opéra-bouffe !), mais ici, les propos semblent dépassés.
On a aussi du mal à digérer les dialogues entre Hélène et Vénus, surtout lorsque Hélène refuse obstinément d’embarquer sur la galère de Vénus pour se rendre à Cythère… Et pourtant, à la fin, elle y part joyeusement… Les textes de Lionel Rougerie modifient ainsi considérablement le caractère de la plus belle femme du monde, et par là la nature de l’œuvre, et c’est déstabilisant. Ces textes coupent d’ailleurs longuement la musique. Or, la continuité musicale est essentielle chez Offenbach qui était un véritable expert de théâtre en musique ; C’est l’enchaînement de différents rythmes et mesures, ainsi que les combinaisons et successions de tessitures vocales qui créent le rythme de l’ensemble et engendrent le rire. Si cette continuité est interrompue, il n’y a plus de sens pour la musique…

Monologue de Vénus avant l’ouverture orchestrale, La Belle Hélène, juillet 2021 au Nouveau Siècle, Lille

La mise en espace mal servie pour les voix

La mise en espace, déployé devant et derrière l’orchestre, serait adaptée plutôt à une pièce de théâtre qu’un concert. Elle est mal servie pour les voix. En effet, avec une dizaine de mètres de distance, ces deux espaces changent le rendu des voix par rapport à l’orchestre, d’où probablement la sonorisation des chanteurs. Mais pourquoi justement doivent-ils chanter dans le micro, alors qu’ils sont tout à fait capables de projeter leurs voix sans aucun problème ? Si c’est pour les parlés, ils sont également habitués à la spécificité de dialogues dans l’opéra-comique et l’opérette. Les chanteurs de cette production sont tous chevronnés dans l’exercice, certains sont de vrais spécialistes en la matière ! Dans la deuxième partie (après l’entracte), on assistait à des moments où des échos étaient trop importants, pour ne pas dire gênants, pour pouvoir apprécier pleinement l’articulation des artistes. Explorer le devant de la scène aurait davantage mis en valeur leur voix naturelle et cela aurait été beaucoup plus agréable aux oreilles, mais aussi pour leur rapport avec l’orchestre.
Les illustrations colorées de Saïd Abitar — le Parthénon décomposé, oies, foules, feu d’artifice… —, projetés sur un grand écran au fond de la scène, sont belles en tant que telles, mais n’illustrent pas pour autant les scènes qui se jouent, les deux univers paraissent bancals.

Ainsi, tout au long du spectacle, nous avons eu une forte impression que tout a été conçu pour jouer une pièce de théâtre et non un opéra-bouffe, notamment à cause de la longueur des textes nouvellement introduits.

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