Accueil ScènesConcerts Un voyage rhapsodique à huis clos par l’Orchestre national d’Ile-de-France

Un voyage rhapsodique à huis clos par l’Orchestre national d’Ile-de-France

par Victoria Okada

Le concert à huis clos de l’Orchestre national d’Ile-de-France, le 10 décembre, dirigé par son directeur musical Case Scaglione (qui a pris sa fonction au début de la saison 2019-2020) était marqué par l’éclectisme du programme et le dynamisme de l’interprétation.

C’est dans le cadre de l’ONDIF Live, en association à La Philharmonie Live, que le concert a été diffusé en direct depuis la salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris.

Marie-Ange Nguci © Natacha Colmez

Vision globale de Marie Ange Nguci dans Rapsodie sur un thème de Paganini 

En préambule, le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, suave certes mais manque encore de sensualité et reste quelque peu « carré ». Ensuite la jeune pianiste Marie-Ange Nguci entre en scène pour interpréter la Rapsodie sur un thème de Paganini en la mineur op. 43 de Rachmaninov. C’est la première fois depuis quelques mois qu’elle joue dans un concert. « C’était un inconnu de se présenter devant une salle vide », nous confiera-t-elle plus tard dans les coulisses. Malgré son appréhension, elle montre indéniablement la maturité qu’elle a pu développer ces derniers temps. Son interprétation, qui a toujours été transparente de son intelligence, de part sa vision globale de l’œuvre et son sens d’analyse, a gagné en dimension. Dans la Rhapsodie, ces qualités transcendent toute la pièce, renforcées par la propreté étonnante de sa technique. Sa capacité de structurer les rapports entre différentes parties, notamment les contrastes vif-doux / brutal-délicat s’entend clairement à travers les notes. Mais l’absence du public lui a visiblement manqué ; l’exaltation tant attendue, créée par l’échange avec la salle, n’aura pas lieu. Non pas parce que son jeu est dépourvu d’inspiration, mais parce qu’un concert ne peut se construire qu’avec la participation du public…

Case Scaglione © Christophe Urbain

Le Beau Danube Bleu et la Rhapsodie roumaine : théâtralité et richesse de la texture sonore

Une courte pause est imposée pour le changement de plateau, puis, on entend Le Beau Danube bleu de Johann Strauss fils. Un choix inattendu et étonnant de la part du chef, qui en dit long sur sa personnalité musicale. En effet, Case Scaglione propose une approche éminemment symphonique de cette valse que l’on classe habituellement dans la catégorie de musique légère, voire facile. Il adopte un tempo propre à chaque section de valse, parfois très différent du précédent. Pour certaines sections, ce tempo est singulièrement rapide ; lorsqu’il y a une reprise, celle-ci n’est jamais jouée dans le tempo initial, ce qui oblige l’auditeur à se débarrasser de son écoute routinière. Il aborde l’œuvre avec une théâtralité fascinante, faisant appel à des couleurs instrumentales extrêmement variées, maniant ainsi la texture sonore et insistant sur le clair-obscur. Ainsi, tout d’un coup, la pièce de Strauss prend un grand relief, montrant des ombres plus profonds et s’enrichissant de volumes plus charnus.
Et dans Rhapsodie roumaine op. 11 n° 1 de Georges Enesco, il va plus loin dans cette idée de couleurs et de textures sonores. Chaque solo d’instrument est une occasion d’explorer un timbre orchestral propre, sur un rythme frénétique subtilement changeant pour lequel l’orchestre se meut irrésistiblement.
Dans ce programme, le chef a fouillé tous les aspects de la rhapsodie. Après tout, le Prélude à l’après-midi d’un faune peut être considéré comme un rhapsodie douce et délicate et Le Beau Danube bleu a été transformé en une sorte de fantaisie rhapsodique… Case Scaglione et l’Orchestre national d’Ile de France nous ont ainsi emmené dans un voyage symphonique fascinant.

Le programme du concert se trouve ici
Le 10 décembre 2020, à la Philharmonie de Paris

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